Par un arrêt du 11 janvier 2023, n° 21-11.163, la Cour de cassation a censuré partiellement l’arrêt du 4 novembre 2020 rendu par la Cour d’appel de Paris, en ce qu’il a dit que les dispositions de l’ex-article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce (aujourd’hui, article L.442-1, I, 1° du Code de commerce) qui sanctionne l’obtention d’un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné) n’étaient pas applicables à l’octroi d’une réduction de prix dans le cadre d’une relation de sous-traitance.
En l’espèce, un constructeur immobilier s’était, d’une part, auto-déduit ipso facto une remise de 2% au titre des factures émises par ses sous-traitants dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), et d’autre part, octroyé un escompte de 3% pour des factures réglées en retard…
En 2013 l’un des sous-traitants avait contesté la déduction de la remise exceptionnelle. En 2017 le ministre de l’Économie a décidé d’assigner le constructeur en cause afin qu’il soit jugé de la contrariété de ces deux pratiques avec les dispositions de l’ex-article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce, qui interdisaient alors en ces termes le fait « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ».
Par un arrêt du 4 novembre 2020, n° 19/09129, la Cour de Paris a reconnu que les relations de sous-traitance entraient bien dans le champ d’application de l’ex-article L. 442-6, I du Code de commerce, au motif que le sous-traitant constitue bien un « partenaire commercial » au sens du texte et que ces dispositions n’édictent aucune règle incompatible avec celles du Code de la construction et de l’habitation. Cependant, la Cour d’appel de Paris a exclu l’application des dispositions précitées à cette remise, au motif que lorsque le prix n’a pas fait l’objet d’une libre négociation, son contrôle judiciaire ne peut s’effectuer que dans le cadre du déséquilibre significatif, infraction autonome qui relève aujourd’hui de l’article L.442-1, I, 2° du Code de commerce (avant art. L. 442-6, I, 2° du Code de commerce) – voir en ce sens la célèbre affaire Galec[1].
Au surplus, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande du Ministre portant sur l’escompte mais ce n’est pas là le point le plus important de cette affaire.
Le ministre a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt, suivi du constructeur qui contestait l’applicabilité de l’article L.442-6-I-1° du Code de commerce.
S’agissant de l’applicabilité de ces dispositions aux contrats de sous-traitance, la Cour de cassation a confirmé le raisonnement suivi par la Cour d’appel de Paris : les relations de sous-traitance sont soumises aux dispositions de cet article – hier comme aujourd’hui donc puisque cet article n’a pas fondamentalement changé si ce n’est en termes de clarté d’application.
En revanche, et contrairement à ce qu’avait jugé la Cour d’appel de Paris, et c’est ce qui est fondamental, la Cour de cassation a retenu que les dispositions de l’ex-article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce sont bien de droit applicables à une réduction de prix accordée par un fournisseur/prestataire de service, etc. à son client pour être très synthétique ; ceci paraissait d’ailleurs évident même si dans l’affaire de la taxe Lidl[2] (autre affaire Galec bien connue), le Tribunal de commerce de Paris avait jugé que les réductions de prix et donc les Conditions Particulières de Vente ou CPV ne faisaient pas partie du champ d’application de l’ancien article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce, d’où sa modification en termes de lisibilité d’application par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.
Il ressort de cet arrêt que peu importe donc que l’on se situe sur le terrain des réductions de prix ou des services pour que le juge puisse contrôler la réalité de la contrepartie et la proportionnalité de l’avantage financier perçu par l’auteur de la pratique.
En définitive, les relations de sous-traitance n’échappent pas aux dispositions qui sanctionnent l’obtention d’un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné ; les réductions de prix obtenues dans ce cadre étaient soumises à l’ancien article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce et aujourd’hui à l’article L.442-1, I, 1°depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, avec un champ d’application qui ne prête plus à aucune ambiguïté pour autant que ce texte ait pu présenter une telle ambiguïté…
Relevons également que dans la nouvelle version du texte, il n’est plus fait référence au « partenaire commercial » mais à « l’autre partie » de sorte que le texte peut s’appliquer également dans des situations où les relations en cause ne reposent pas sur un « partenariat commercial », ce qui pouvait impliquait une certaine régularité dans le flux d’affaires.