Rapport d’information de M. Thierry Benoit sur le suivi de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs : vers une rénovation en profondeur du cadre des négociations commerciales ?
« Plus que jamais, pour garantir notre souveraineté alimentaire, nous avons besoin d’une agriculture française forte. Le maintien de celle-ci dépend d’une plus juste répartition de la valeur entre les différents maillons de la chaîne et d’une responsabilisation accrue du consommateur »[1].Cette déclaration du député M. Thierry Benoit, dès l’introduction de son rapport sur le suivi de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs présenté le 24 mars dernier à l’Assemblée nationale (ci-après le « Rapport »), n’est pas sans rappeler le discours du Président de la République au moment de la rédaction de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (dite « loi Egalim »), promulguée en novembre 2018 et dont l’objectif principal était déjà de « permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé, permettre à tous dans la chaîne de valeur de vivre dignement »[2].
Faisant état d’un bilan contrasté de la loi EGalim, par ailleurs très critiquée par les agriculteurs pour son manque d’efficacité, M. Thierry Benoit appelle à une « impulsion politique forte : un acte II des EGalim pour dissiper l’oligopole de la grande distribution sur les relations commerciales »[3] !
Un mois après la fin des négociations commerciales 2021 qui « se sont révélées plus dures encore que celles des années précédentes »[4], le constat est une fois de plus le même : des rapports de force au sein du tryptique « agriculteurs-producteurs ; industriels-transformateurs ; grands distributeurs »[5] incontestablement déséquilibrés, instaurant une guerre des prix destructrice de valeur et ce, au détriment des maillons faibles de la chaîne.
La pandémie de la Covid-19 est venue assombrir encore un peu plus ce tableau, certains distributeurs avançant la « nécessité d’abaisser les prix payés aux fournisseurs pour préserver le pouvoir d’achat des Français, fragilisé par la crise »[6].
L’ambition de M. Thierry Benoit à travers ce Rapport et les propositions qu’il contient est aussi grande que le tableau peut être noir : « rénover en profondeur le cadre des négociations afin de garantir des relations commerciales plus collaboratives et plus apaisées » [7].
Ce Rapport s’inscrit dans le prolongement du rapport de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs réalisé en septembre 2019[8], qui formulait 41 propositions visant à compléter la loi Egalim (ci-après le « Rapport d’enquête »).
Evaluant la mise en œuvre de ces 41 propositions, M. Thierry Benoit présente sept recommandations qui ont pour objectif « l’avènement d’un prix juste, c’est-à-dire d’un prix responsable payé par le consommateur et le distributeur, permettant de rémunérer correctement les producteurs agricoles et les transformateurs »[9].
Quelles sont ces propositions ? Quelles sont leurs modalités de mise en œuvre ?
Proposition n° 1 : Supprimer la date butoir du « 1er mars » et favoriser les contrats pluriannuels et, le cas échéant, tripartites.
La suppression de la date butoir du 1er mars « qui cristallise et exacerbe les tensions entre fournisseurs et distributeurs » réouvre l’éternel débat sur la date de fin des négociations commerciales.
En effet, si la mise en place d’une date butoir (à l’époque, la date du 15 février) introduite par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (dite « loi Dutreil II ») avait notamment pour intérêt « d’inciter les opérateurs à faire aboutir la négociation commerciale le plus tôt possible et interdire ainsi à cette dernière de se poursuivre tout au long de l’année », la fixation d’une telle date ne cesse depuis d’être débattue[10].
En 2008[11], le choix de la date s’est arrêté sur celle du 1er mars afin que la fin des négociations commerciales coïncide avec le Salon de l’agriculture et que cet événement soit ainsi utilisé comme caisse de résonance des revendications des agriculteurs[12].
Soulignant toutefois le caractère inapproprié de cette date du 1er mars pour certains secteurs[13], il a été suggéré, dans le rapport sur la mise en œuvre de la LME, de modifier le sixième alinéa de l’(ancien) article L. 441-7 du code de commerce afin de prévoir la conclusion d’une « convention unique d’une durée de douze mois conclue à une date librement fixée au sein de chaque branche, sous réserve que les conditions générales aient été transmises au moins deux mois avant le terme ainsi déterminé »[14].
Nous retrouvions ainsi l’idée d’une sectorisation des modalités de conclusion des conventions annuelles, à l’instar de ce qui a pu être mis en place s’agissant des délais de paiement[15].
Le débat a récemment été remis sur la table dans le cadre de la rédaction de l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019. L’Administration a alors envisagé, de façon plus radicale, de supprimer cette date limite. Toutefois, face au souhait des acteurs économiques de la maintenir, cette suggestion a été abandonnée.
En septembre 2019, l’une des 41 propositions de la commission d’enquête portait de nouveau sur le vaste sujet de l’aménagement du calendrier des négociations et a ravivé les discussions. Cette proposition suggérait cette fois de « resserrer le calendrier des négociations commerciales qui devront s’achever le 15 décembre au plus tard avec une obligation pour le fournisseur de communiquer ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard le 15 septembre ». Comme l’a souligné M. Grégory Besson-Moreau, l’objectif était ainsi de se rapprocher du calendrier comptable des entreprises, balayant l’intérêt de faire coïncider cette date avec le Salon de l’agriculture[16].
Dans son Rapport, M. Thierry Benoit propose « d’aller plus loin encore en supprimant cette date butoir ».
Quels seraient les impacts d’une telle suppression ? Si cela permettrait effectivement d’en finir avec des mois de février sous tension et des signatures d’accord précipitées, l’absence de délai butoir ne risque-t-elle pas de conduire à des échanges sans fin ?
Partageant cette crainte, M. Thierry Benoit souligne que cette recommandation va nécessairement de pair avec « le développement de contrats pluriannuels et tripartites », qui devront « à terme devenir la norme ».
Or, la conclusion de contrats pluriannuels soulève également de nombreuses questions : sur quelle base renégocier annuellement le prix ? Comment objectiver la construction des prix ? Pourrais-je néanmoins adresser mes nouveaux tarifs ? Comment arbitrer en cas de désaccord sur le prix ? Ne risque-t-on pas, à nouveau, de s’enfermer dans des débats sans fin paralysant la relation ?
Ainsi que relevé dans le Rapport, le caractère pluriannuel des contrats rend indispensable la mise en œuvre d’un outil permettant d’ajuster, en cas de besoin, les termes du contrat et, notamment les prix.
En ce sens, le Rapport d’enquête suggérait de créer un « index, publié et actualisé par l’INSEE, permettant de modifier les prix parallèlement à son évolution et, en cas de variation importante, entraînant une renégociation obligatoire entre distributeurs et fournisseurs ». Selon le Rapport d’enquête, cet index des prix devrait prendre en compte l’évolution des matières premières agricoles et non‑agricoles, des coûts de l’énergie, des coûts salariaux, ou encore du coût de la RSE, afin de pouvoir répercuter ces hausses de coûts de production sur le prix.
M. Grégory Besson-Moreau préconisait en ce sens dans son Rapport d’enquête, la mise en place d’un tiers de confiance privé, choisi par les industriels et la grande distribution, tel un commissaire aux comptes, qui aurait notamment pour mission de s’assurer qu’en cas d’évolution favorable du prix permettant une plus forte rémunération des industriels, les agriculteurs connaissent eux aussi cette évolution favorable de leur rémunération.
Nous pouvons toutefois nous interroger sur la viabilité d’un tel mécanisme et sur l’intérêt pour les différents acteurs économiques de conclure des contrats pluriannuels, possibilité déjà ouverte aujourd’hui à l’article L. 441-3 du Code de commerce et très peu utilisée en pratique pour ne pas dire quasiment jamais.
Le Rapport reste relativement taisant sur la question des contrats tripartites. M. Serge Papin, dans son rapport du 25 mars 2021[17] (ci-après le « Rapport de M. Serge Papin »), insiste davantage sur la contractualisation tripartite associant producteur agricole/transformateur/distributeur déjà utilisée en matière de MDD et qui soulève plusieurs interrogations en droit de la concurrence[18].
Proposition n° 2 : Dissocier les négociations en « triple net » de celles en « 4 fois net », « 5 fois net », « 6 fois net ».
Le Rapport d’enquête soulignait « le mouvement constant de déplacement et de complexification du champ et de l’objet des négociations commerciales ». Les différents acteurs auditionnés dans le cadre de la rédaction de ce rapport ont relevé, en ce sens, que les négociations dépassent désormais largement le tarif, dit « triple net », correspondant au prix réellement payé par le distributeur, après imputation des remises immédiates, ristournes différées (les fameuses RFA), coopération commerciale et autres obligations (voiture-balai s’il en est…).
Ces négociations en « 4 fois net » incluant l’enveloppe promotionnelle (NIP) ; « 5 fois net » tenant compte des sommes versées par les fournisseurs aux centrales internationales ; voire « 6 fois net » avec les pénalités logistiques, ont cependant pour effet d’échapper au cadre légal et aux contrôles des pouvoirs publics.
Au regard de ces éléments, M. Thierry Benoit dans son Rapport, considère que ces multiples niveaux de négociation « rendent particulièrement difficile le suivi de ces négociations commerciales, devenues très opaques » et recommande de « dissocier les négociations portant sur le tarif – qui doit faire l’objet d’une protection plus effective – de celles portant sur les enveloppes promotionnelles ou les accords internationaux, voire les pénalités logistiques […] ».
Proposition n° 3 : Supprimer les pénalités logistiques.
Dans la lignée des recommandations formulées dans le Rapport de M. Serge Papin, M. Thierry Benoit aborde, sans surprise, la question de la suppression des pénalités.
Cette proposition n° 3 s’inscrit dans la continuité des recommandations de la commission d’examen des pratiques commerciales n° 19-1 du 6 février 2019 relative à un guide des bonnes pratiques en matière de pénalités logistiques et n° 20-1 du 10 juillet 2020 portant sur les effets de la crise sanitaire de la Covid-19 dans la grande distribution à dominante alimentaire qui préconisent notamment la fin de l’application automatique et unilatérale des pénalités en instaurant une appréciation contradictoire de ces dernières.
Les nouvelles dispositions de l’article L. 442‑1 du Code de commerce introduites par la loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique du 7 décembre 2020 s’inscrivent également dans une logique plus générale et non limitée aux seules pénalités logistiques, de condamnation des pénalités disproportionnées dans la mesure où elles prévoient qu’ « engage la responsabilité de son auteur le fait […] d’imposer des pénalités disproportionnées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant. »
Ces nouvelles recommandations et dispositions sont autant d’arguments à avancer pour contester l’application automatique de pénalités plus ou moins forfaitaires qui, bien souvent, ne correspondent nullement à la réalité du préjudice subi par le distributeur.
Nous ne pouvons nier que les accords de la grande distribution ont évolué s’agissant des pénalités, en prévoyant notamment des procédures contradictoires ou des plateformes de gestion des litiges. Cependant, en pratique, ces procédures contradictoires constituent de véritables usines à gaz, dissuadant les fournisseurs de toute contestation des pénalités.
C’est en ce sens que M. Thierry Benoit constate dans son Rapport que « les déréférencements et les pénalités logistiques indues demeurent utilisés dans le cadre d’une stratégie de mise sous pression des fournisseurs » et souligne « la difficulté à négocier des conditions logistiques plus équitables, le niveau très élevé des pénalités et l’extrême opacité du processus les entourant, qui rend impossible leur contestation (utilisation de portails automatisés complexes, absence d’interlocuteurs, envoi de fichiers extrêmement compliqués voire impossibles à traiter, etc.) ».
Face à ce constat, le député M. Thierry Benoit envisage donc la suppression des pénalités logistiques « devenues une source de profit à longueur d’année et qui mobilisent inutilement des équipes administratives, techniques et juridiques ».
Si cette intention est louable et doit être encouragée, quid de sa faisabilité ? Nul doute que les acteurs de la grande distribution vont s’arque bouter face à une telle mesure… Ce serait toutefois oublier que le rapport de force est dès l’origine déséquilibré et que la possibilité de négociation des fournisseurs de ces éléments reste limitée. Une fois de plus, le débat sur la légitimité d’imposer ces pénalités dans un rapport de force inégal revient.
Quoiqu’il en soit, limiter les abus en matière de pénalités semble aujourd’hui la priorité !
En ce sens, le Rapport d’enquête adopte une position plus nuancée proposant d’encadrer les pénalités en :
- limitant le montant des pénalités logistiques à un pourcentage défini du prix d’achat des produits (permettant ainsi d’avoir des pénalités proportionnées au prix d’achat des produits et d’éviter les montants forfaitaires de plusieurs dizaines, voire centaines d’euros, pour des produits de quelques euros) ;
- limitant l’application de pénalités logistiques aux situations causant des ruptures de stock en magasin ;
- engageant une réflexion sur les éléments du guide des bonnes pratiques en matière de pénalité de la CEPC qui auraient leur place dans la loi.
Affaire à suivre donc…
Proposition n° 4 : Prolonger l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP) en envisageant la mise en œuvre d’un mécanisme contraignant de « ruissellement » vers l’amont agricole des surplus générés par ce relèvement.
L’article 2 de l’ordonnance n° 2008-1128 du 12 décembre 2018 a procédé au relèvement du seuil de revente à perte en prévoyant, pour une période de deux ans à compter du 1er février 2019, l’affectation d’un coefficient de 1,10 au prix d’achat effectif défini au deuxième alinéa du I de l’article L. 442-5 du Code de commerce pour les produits alimentaires et le « pet food ».
Le but de la mesure était d’octroyer un surcroît de marge aux distributeurs sur les produits d’appel, principalement de grande marque, diminuant ainsi le besoin d’en constituer sur les produits agricoles pour couvrir les coûts de distribution des produits vendus à un niveau proche du seuil de revente à perte. Le dégagement de marges supplémentaires ainsi constitué devait permettre aux distributeurs de revaloriser les tarifs accordés à leurs fournisseurs de produits alimentaires qui, à leur tour, pouvaient mieux rémunérer les producteurs[19].
Si certains acteurs de la grande distribution avaient émis des réserves sur les potentiels effets inflationnistes de ce mécanisme, l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif n’a pas donné lieu à une augmentation spectaculaire des prix à la consommation[20].
Néanmoins, et ainsi que le souligne le Rapport remis par M. Thierry Benoit, il est incontestable que les retombées du dispositif mis en place ne sont pas à la hauteur des espérances :
« Pour l’heure, l’évaluation de l’expérimentation [du relèvement du SRP], bien qu’incomplète, met en évidence une absence de retombées positives pour le secteur agricole. […] Si les distributeurs soulignent que le relèvement du SRP est une mesure qui remporte leur adhésion et leur a permis de soutenir le monde agricole, le « son de cloche » est bien différent du côté de l’amont agricole de la filière. »
Ainsi, les différents acteurs entendus considèrent que « la revalorisation du SRP a surtout profité aux distributeurs qui ont conservé une part significative du surplus généré via des prix d’achat en déflation et une augmentation des ventes de produits marque de distributeur (MDD) ».
Face à ce constat, nombreux sont ceux qui déplorent l’absence de mécanismes de contrôle et de sanction du dispositif[21]. Faisant une comparaison particulièrement illustratrice, un des acteurs auditionnés dans le cadre du Rapport d’enquête relevait que « la loi et l’ordonnance sur le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) ont consisté à donner un « paquet de bonbons » à la grande distribution, et à l’industrie agroalimentaire par ricochet, et à aucun moment les pouvoirs publics manient le bâton pour que les bonbons soient distribués entre tous les acteurs »[22].
Au regard de ces constatations, le Rapport préconise de « poursuivre l’évaluation de cette expérimentation en déterminant avec certitude la destination du surplus généré par le relèvement du SRP » considérant que « la mise en œuvre d’un mécanisme contraignant de « ruissellement » vers l’amont agricole de ces sommes pourrait être nécessaire. »
Proposition n° 5 : Étendre le dispositif du relèvement du SRP et de l’encadrement des promotions aux fournisseurs de produits non-alimentaires et les inclure dans les dispositifs de médiation et au sein de la CEPC.
Dans son Rapport, M. Thierry Benoit déplore que « Les fournisseurs non-alimentaires de la grande distribution, qui ne sont pas inclus dans le cadre de l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et de l’encadrement des promotions tendent à servir de variable d’ajustement aux distributeurs. »
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Egalim, la grande distribution tend à multiplier les opérations promotionnelles parfois d’une ampleur conséquente sur les rayons « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH). Cette politique semble poursuivre deux objectifs : d’une part, disposer de nouveaux produits d’appel afin de se distinguer de la concurrence et, d’autre part, compenser les éventuelles hausses entraînées par le relèvement du SRP[23].
Or, et ainsi que le souligne M. Thierry Benoit « ces opérations, destructrices de valeur, mettent en péril la rentabilité des entreprises qu’elles concernent. ». Ainsi, confirmant la proposition du Rapport d’enquête, le Rapporteur recommande d’étendre le champ d’application du dispositif relatif au relèvement du seuil de revente à perte et de celui de l’encadrement des promotions, qui n’a d’autre objectif que d’assurer une juste répartition de la valeur, aux produits du rayon DPH.
S’agissant également des fournisseurs non-alimentaires, Thierry Benoît souligne que « ces entreprises n’ont accès à aucun des dispositifs de médiation auxquels les fournisseurs alimentaires ont recours, en particulier ceux proposés par le médiateur des relations commerciales agricoles » et qu’ils ne sont pas représentés au sein de la CEPC « dont le rôle est pourtant devenu crucial ». Il suggère donc de les inclure dans le cadre de ces instances de concertation et médiation.
Proposition n° 6 : Renforcer les exigences attachées à la mention « origine France » et « fabriqué en France ».
Dans sa proposition relative à la mention « origine France », le Rapport d’enquête suggérait « D’informer et de responsabiliser le consommateur dans son acte d’achat, réserver la mention d’origine France aux seuls produits dont une part significative des composants, représentant au moins 50 % de la matière première brute, a été produite en France et dont l’ensemble des transformations substantielles a également été réalisé sur le territoire français. »
Cette recommandation répond aux préoccupations grandissantes des consommateurs, pour lesquels l’origine française est devenue « l’un des critères d’achat privilégié » et où « la crise a renforcé cette appétence pour la production locale »[24].
M. Thierry Benoit souligne, à ce titre, dans son Rapport, le caractère essentiel de la question de l’étiquetage des produits alimentaires qui « constitue le lien entre la production, notamment agricole, et le choix de consommation ». Ces préoccupations rejoignent les récents débats intervenus à l’échelle européenne sur la règlementation en matière d’étiquetage des produits alimentaires et notamment l’adoption, en mai 2018, du règlement d’exécution 2018/775 de la commission européenne clarifiant et harmonisant la manière dont l’origine du ou des ingrédients primaires doit être étiquetée.
M. Thierry Benoit recommande donc d’envisager une définition juridique stricte des mentions « origine France », « fabriqué en France » et des mentions équivalentes pour les produits alimentaires. Constatant par ailleurs que le « packaging de nombreux produits alimentaires continue d’être susceptible de créer de la confusion, voire d’induire le consommateur en erreur », il préconise également un « renforcement du contrôle de la DGCCRF de ce type de pratiques sur le fondement de la répression des pratiques commerciales trompeuses, voire de l’élargissement du champ de cette notion ».
Cette proposition s’inscrit en lien avec la recommandation formulée dans le Rapport de M. Serge Papin au titre de laquelle ce dernier relève la nécessité « d’identifier systématiquement l’Origine France des ingrédients et des produits, y compris en restauration collective pour favoriser le patriotisme agricole » soulignant, à ce sujet, qu’il s’agit d’une « cause importante à défendre au niveau européen. »
Proposition n° 7 : Suspendre les extensions des surfaces de vente de la grande distribution.
La dernière proposition formulée par M. Thierry Benoit dans son Rapport vise à limiter les créations et extensions des surfaces de la grande distribution et s’inscrit ainsi dans la lignée des constats du Rapport d’enquête.
Établissant un lien avec les mesures gouvernementales « Action Cœur de Ville »[25], la commission d’enquête proposait, en effet, dans son Rapport d’enquête d’instaurer « un moratoire de deux années au moins et concernant toutes les créations et extensions de surfaces de vente. Cette proposition souligne l’intérêt pour les distributeurs eux-mêmes d’un tel moratoire, leur permettant de concentrer leurs investissements sur la nécessaire transformation du parc existant de magasins en l’adaptant plus rapidement aux besoins d’une nouvelle « relation-client » ».
Allant plus loin que la proposition formulée par le Rapport d’enquête, M. Thierry Benoit recommande d’instaurer un moratoire d’au moins trois ans sur les extensions et construction de surfaces de vente, quelle que soit leur taille.
* * *
Nul doute que l’ensemble des propositions formulées dans ce Rapport seront reprises dans la proposition de loi sur les négociations commerciales qui devrait être déposée courant mai par le député M. Gregory Besson-Moreau dans la droite ligne de sa précédente proposition de loi de 2020 !
La question est cependant : qu’en ressortira-t-il ?
[1] Rapport n° 4024 de M. Thierry Benoit du 24 mars 2021, page 8.
[2] Discours d’Emmanuel Macron du 11 octobre 2018 à Rungis, lors de la clôture de la première phase des états généraux de l’alimentation.
[3] M. Thierry Benoit, Salon de l’agriculture, Février 2020.
[4] Rapport n° 4024 de M. Thierry Benoit du 24 mars 2021, page 7.
[5] Pour reprendre les termes du Rapport d’enquête du 25 septembre 2019.
[6] Rapport n° 4024 de M. Thierry Benoit du 24 mars 2021, page 7.
[7] Rapport n° 4024 de M. Thierry Benoit du 24 mars 2021, page 8.
[8] Le rapporteur de cette commission d’enquête était M. Grégory Besson-Moreau.
[9] Rapport n° 4024 de M. Thierry Benoit du 24 mars 2021, page 8.
[10] M. Michel Raison, Rapport n° 412 du 15 novembre 2007 présenté au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire sur le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, page 44.
[11] La date du 1er mars a été fixée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.
[12] Compte-rendu sur la loi Egalim de la commission des affaires économiques du 17 juillet 2018 ; sur l’amendement CE236 de M. Jérôme Nury relatif à l’abandon de la date butoir du 1er mars.
[13] La fixation de la date butoir au 1er mars pose de réels soucis dans le secteur de l’habillement qui ne peut connaître son véritable chiffre d’affaires qu’après la fin des soldes d’hiver, celles-ci se terminant vers la mi-février.
[14] M. Catherine Vautrin et M. Jean Gaubert, rapport n° 3322 du 6 avril 2011 présenté au nom de la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, pages 38 et 39.
[15] Faisant preuve de souplesse et de pragmatisme, l’article 21, III de la LME est venue prévoir la possibilité, pour certains secteurs particuliers, de déroger de manière temporaire au délai de paiement légal.
[16] M. Grégory Besson-Moreau : « Je pense qu’aujourd’hui nous sommes dans un tel niveau de conflit entre l’industrie et la grande distribution que même la pression du monde agricole n’y fait plus rien ».
[17] M. Serge Papin, Rapport de la mission de médiation et de conciliation concernant le bilan de la loi Egalim et la nécessité de mieux rémunérer la chaîne de valeur agricole du 25 mars 2021.
[18] Voir sur ce point l’avis critique de l’Autorité de la concurrence n°18-A-04 du 3 mai 2018.
[19] Rapport au Parlement sur l’évaluation des mesures expérimentales de relèvement du seuil de revente à perte et d’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires du 30 septembre 2020.
[20] Rapport d’enquête du 25 septembre 2019, page 73.
[21] Tome II du Rapport d’enquête 25 septembre 2019, page 183 : Compte-rendu des auditions ; MmeFrançoise Crété (Présidente de la Chambre d’agriculture de la Somme et référente pour le dossier des relations commerciales au sein de l’APCA) : « En ce qui concerne le seuil de revente à perte, tous les outils qui ont été créés seront inutiles s’il n’y a ni contrôles ni sanctions. ».
[22] Tome II du Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs du 25 septembre 2019, Compte-rendu des Auditions ; Audition de M. Nicolas Girod, p. 14.
[23] Tome I du Rapport d’enquête du 25 septembre 2019, page 74.
[24] Rapport n° 4024 de M. Thierry Benoit du 24 mars 2021, page 46.
[25] https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/ : « Élaboré en concertation avec les élus et les acteurs économiques des territoires, le plan Action cœur de ville vise à faciliter et à soutenir le travail des collectivités locales, à inciter les acteurs du logement et de l’urbanisme à réinvestir les centres-villes, à favoriser le maintien ou l’implantation d’activités en cœur de ville afin d’améliorer les conditions de vie dans les villes moyennes ».