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Quand la CEPC dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas (et va même plus loin) !

À l’issue d’un long travail d’analyse et de réflexion, impliquant le recueil de l’avis de nombreux acteurs (industriels comme distributeurs), l’étude de l’état des lieux fourni par la DGCCRF et l’audition du Médiateur des relations commerciales agricoles, la CEPC a publié sa (tant attendue) Recommandation n° 24-1 relative à un guide de bonnes pratiques en matière de clauses de révision automatique des prix et de clauses de renégociation dans les relations entre industriels et distributeurs.

1/ La CEPC livre tout d’abord sa lecture des dispositions du Code de commerce relatives aux clauses de révision et de renégociation du prix ainsi qu’aux indicateurs, pas toujours simples à interpréter, reconnaissons-le !

À ce titre, il est notamment intéressant de relever qu’elle considère :

  • S’agissant de l’article L.441-7 du Code de commerce relatif aux contrats MDD, que « dans le cadre de ces contrats, seule la référence aux indicateurs de coûts de production est obligatoire (…) cette obligation ne semble s’appliquer que dans le cas où les MPA ont fait l’objet d’un contrat amont relevant de l’article L.631-24 du CRPM, ce qui limite considérablement la portée de cette obligation de transparence, d’une part, et de mention d’une CRA d’autre part ».
  • S’agissant des grossistes, qu’« Ils ne sont pas concernés par l’article L.443-4 visant l’obligation légale de prise en compte des indicateurs, à l’exception du régime spécifique de la convention, prévue à l’article L.443-2 du code de commerce portant sur les produits agricoles listés à l’article D.443-2 du même code : fruits et légumes, viande fraiche, congelés ou surgelés de volailles et de lapins, œufs et miel ».
2/ La CEPC évoque ensuite les difficultés concrètes d’application des clauses de révision automatique de prix (CRA) et dresse un état des lieux de leur application.

S’agissant des difficultés d’application de ces clauses, est mise en exergue la complexité de la construction d’une formule de révision automatique des prix reflétant effectivement la variation des prix subie à l’amont par l’industriel. La CEPC pointe à la fois :

  • les ruptures fréquentes dans la « marche en avant » du prix, pour de multiples raisons (filières exemptées, opérateurs amont qui ne respectent pas l’obligation de contractualisation amont, MPA importées, marginalement présence de grossistes dans la chaîne), et
  • le défaut d’indicateurs publiés pertinents (certaines interprofessions ne publient pas d’indicateurs de coûts de production pertinent pour toutes les productions spécialisées, certains indicateurs sont adaptés pour suivre les évolutions à l’amont mais sont plus complexes à établir à l’aval et variables d’un industriel à l’autre en raison de la diversité de leurs approvisionnements notamment du fait de la conclusion de contrats dits à terme, approvisionnements sur des marchés à l’étranger sur lesquels il n’existe pas toujours d’indicateurs pertinents).
Ces considérations conduisent la CEPC à s’interroger sur la pertinence du maintien de l’obligation légale générale de faire figurer une clause de révision automatique du prix dans les conventions, sans considération des cas de figure envisagés ci-avant. Nous partageons cette réflexion.

La CEPC pointe ensuite les difficultés rencontrées par les opérateurs lorsqu’il s’agit de construire la clause de révision automatique de prix et de pondérer les indicateurs construits et ce, que le fournisseur ait choisi une option de transparence 1, 2 ou 3.

Tout l’enjeu est ici la pondération des indicateurs ! Si tout le monde est conscient qu’avec une option 3, une telle pondération est souvent mission impossible, la CEPC pointe également les difficultés pouvant être rencontrées lorsque l’industriel a choisi une option 1 ou 2.

En effet, même en option 1 ou 2, la pondération des MPA dans la clause de révision peut être rendue difficile du fait notamment de l’absence de connaissance de la part moyenne de MPA dans le tarif tous produits confondus, et d’autant plus dans le prix convenu, ceci étant renforcé lorsque l’industriel propose de multiples gammes de produits.

La CEPC en conclut que si la clause de révision est appropriée et adaptée dans le cadre des contrats amont ainsi que pour des contrats aval portant sur une gamme limitée et homogène de produits pas ou peu transformés, elle est plus complexe à mettre en œuvre pour des conventions aval dans lesquelles la profondeur de gamme est importante. Nous partageons également ce constat.

En termes d’état des lieux, les constats de la DGCCRF démontrent que les conventions soumises à l’article L.443-8 du Code de commerce comportent généralement bien une clause de révision automatique de prix. Il est toutefois fréquent que les clauses soient pu susceptibles de se déclencher, les deux parties (fournisseurs et distributeurs) pouvant trouver un intérêt à neutraliser les clauses.

Concernant la rédaction des clauses, les cas « typiques » suivants sont notamment évoqués :

  • Des modèles de clauses sont proposés par les distributeurs, qui seront par la suite modifiées ou non pour tenir compte du résultat de la négociation ;
  • De plus en plus de fournisseurs prévoient dans leurs CGV la clause de révision qu’ils proposent d’insérer dans la convention ;
  • Pour les produits très peu transformés et/ou les fournisseurs PME plus proches de l’amont agricole ou davantage dépendants des approvisionnements dits spots, les clauses proposées dans les CGV et/ou négociées dans la convention, peuvent être rédigées de façon à être opérationnelles ;
  • Dans le cas de fournisseurs ayant choisi l’option 3, il peut arriver que les parties s’accordent sur le fait que le fournisseur (i) s’engage à faire intervenir un tiers indépendant lorsque la clause doit se déclencher, ou (ii) s’engage à faire intervenir le tiers indépendant pour établir la part de MPA dans le produit si le taux de variation de l’indicateur déclenchant la clause est atteint, ou (iii) fasse preuve de davantage de transparence que ce qui est requis dans le cadre de cette option, en donnant par exemple des précisions sur le volume de MPA mis en œuvre ou encore le poids global moyen de la MPA dans le prix convenu ou le poids de chaque MPA principale dans le tarif.
3/ La CEPC réalise le même travail pour les clauses de renégociation, en listant les difficultés concrètes d’application et en dressant un état des lieux de leur application.

Il est tout d’abord rappelé, à juste titre, que l’article L.441-8 du Code de commerce :

  • Ne fait pas référence à des indicateurs. Ainsi, si la référence à ces derniers est d’usage, rien n’exclut la possibilité pour les parties de se fonder sur d’autres éléments tels que notamment les factures d’approvisionnement que produirait le fournisseur ;
  • Vise les produits dont les prix de production sont significativement affectés par les variations du prix des transports, de l’énergie ou des matériaux entrant dans la composition des emballages. La CEPC estime donc qu’il n’y a pas lieu d’obliger les parties à insérer l’ensemble des postes de coûts énumérés dans la clause de renégociation et qu’elles peuvent ne retenir que celui ou ceux qu’elles estiment pertinents.
En termes d’application de la clause de renégociation du prix, le constat est sans appel : la CEPC constate qu’à l’aval, les parties ne s’engagent pour ainsi dire jamais dans le processus de renégociation tel que décrit par l’article L.441-8 du Code de commerce, dont le formalisme est lourd et sans aucune garantie de résultat.
4/ La CEPC cite ensuite les bonnes pratiques qu’elle a pu identifier, en l’état actuel du droit. Espérons que cela donnera des (bonnes) idées aux opérateurs !

S’agissant des clauses de révision automatique des prix, la CEPC met en évidence que le fait pour le fournisseur de proposer une telle clause dans ses CGV « permet d’avoir une base de négociation identique pour l’ensemble des acheteurs, susceptible de refléter au mieux les contraintes d’approvisionnement du fournisseur et de prévoir la prise en compte des indicateurs les plus pertinents au regard de ses conditions et cycles d’approvisionnement » et qu’« une telle approche est susceptible de réduire la probabilité que chaque enseigne négocie une CRA différente »  (nous ne cessons de l’indiquer à nos clients !).

Et de conclure que « La conséquence d’une telle pratique est que chaque acheteur, dès lors que le fournisseur a présenté sa formule et argumenté sa pertinence, peut accepter de reprendre ces propositions de clauses dans les conventions. Ainsi, le fait, de reprendre la clause insérée dans les CGV du fournisseur si elle est justifiée apparait également comme une bonne pratique ».

S’agissant des clauses de renégociation, la CEPC souligne que « les fournisseurs qui indiquent dans leurs CGV les indicateurs publiés pertinents concernant leurs intrants hors MPA posent des bases de discussion harmonisées avec l’ensemble de leurs acheteurs » et que « le fait de proposer une formule, qui ne tienne éventuellement compte que des intrants pertinents parmi ceux prévus à l’article L.441-8 du code de commerce, est également une bonne pratique ».

5/ Puis, la CEPC liste une dizaine de recommandations sur ces clauses, à droit constant.
  7 recommandations concernent les clauses de révision automatique des prix :   Recommandation n° 1 : assurer la réciprocité dans les taux et seuils de déclenchement des clauses, à la hausse et à la baisse.Recommandation n° 2 : si pertinent, reprendre les indicateurs prévus à l’amont au titre de l’article L.631-24 du CRPM.Recommandation n° 3 : pour les fournisseurs, proposer une formule de révision adaptée à leurs cycles de production et d’approvisionnement.Recommandation n° 4 : négocier des seuils de déclenchement réalistes et cohérents au regard des cycles de production et de commercialisation des produits afin de rendre la clause opérationnelle et ne pas conduire à une neutralisation de ses effets.Recommandation n° 5 : prévoir des clauses de révision par catégories de produits relativement homogènes lorsque le fournisseur propose une gamme très étendue.Recommandation n° 6 : prévoir que la révision intervienne au plus une fois par an lorsque le contrat est annuel voire deux fois en cas de variation significative de la MPA, pour permettre de refléter les variations significatives et durables des coûts de production agricole et préserver l’équilibre contractuel.Recommandation n° 7 : une publication et mise à jour régulière des indicateurs par les organisations interprofessionnelles reconnues, comme le prévoit l’article L.631-24 du CRPM.   3 recommandations concernent les clauses de renégociation :   Recommandations n° 8 et 9 identiques : tenir compte uniquement des postes de coûts les plus pertinents parmi ceux mentionnés à l’article L.441-8 du Code de commerce.Recommandation n° 10 identique à la recommandation n° 7 : une publication et mise à jour régulière des indicateurs par les organisations interprofessionnelles reconnues.

Le Cabinet Grall&Associés félicite et remercie la CEPC pour cette recommandation !

Un pas de plus pourrait être franchi à présent, et cela dépend du travail du législateur, à savoir l’introduction dans le Code de commerce d’une disposition prévoyant explicitement la faculté pour les fournisseurs, s’ils le souhaitent, d’intégrer une clause de révision automatique du prix dans leurs conditions générales de vente.

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