Depuis le 1er janvier 2016, les professionnels de tous les secteurs économiques ont l’obligation de permettre aux consommateurs d’avoir recours gratuitement, en cas de litiges, à un médiateur de la consommation.
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Les règles relatives à la médiation des litiges de consommation, instaurées par l’ordonnance du 20 août 2015, ont été complétées par un décret d’application daté du 30 octobre 2015 et publié au Journal officiel le 31 octobre 2015.
Ce décret achève la transposition de la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 « relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation », dont l’objectif est de faciliter, pour les consommateurs, le recours à des modes de résolution amiable des litiges nationaux ou transfrontaliers.
Le principe :
En vertu de ce dispositif codifié aux articles L.151-1 et R.152-1 et suivants du Code de la consommation, le professionnel doit garantir aux consommateurs un recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation avant toute procédure contentieuse.
Le champ d’application :
Le champ d’application de ce nouveau dispositif de médiation est large puisque sont visés tous les litiges frontaliers ou transfrontaliers de nature contractuelle, portant sur l’exécution d’un contrat de vente ou de fourniture de services, opposant un consommateur à un professionnel et ce, dans tous les secteurs d’activité, à l’exclusion toutefois des litiges concernant :
- les services d’intérêt général non économiques ;
- les services de santé fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé, y compris la prescription, l’administration et la fourniture de médicaments et de dispositifs médicaux ;
- les prestataires publics de l’enseignement supérieur[1] .
Les différents types de médiateur :
Le professionnel peut mettre en place :
- son propre « médiateur d’entreprise » : il traite des litiges propres au professionnel, lequel le rémunère, étant toutefois précisé qu’il ne peut y avoir de lien hiérarchique (et donc de contrat de travail) entre le professionnel et le médiateur, lequel doit rester indépendant (article L.153-2 du Code de la consommation) ;
- ou proposer le recours à tout autre médiateur de la consommation : il peut s’agir d’un « médiateur sectoriel » (s’il en existe un dans le secteur concerné), ou tout autre médiateur répondant aux exigences de qualité légales et réglementaires.
Précisons qu’il est possible de faire « coexister » plusieurs médiateurs pour un même professionnel, dès lors que ces médiateurs figurent sur la liste établie par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (articles L.155-1 et R.155-1 et suivantes du Code de la consommation) et transmise à la Commission européenne (article L.153-1 du Code de la consommation).
L’article R.156-1 nouveau du Code de la consommation prévoit en effet que : « En application de l’article L. 156-1, le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou sur tout autre support adapté. Il y mentionne également l’adresse du site internet du ou de ces médiateurs. ».
En revanche, l’article L.152-1 du Code de la consommation précise que : « Lorsqu’il existe un médiateur de la consommation dont la compétence s’étend à l’ensemble des entreprises d’un domaine d’activité économique dont il relève, le professionnel permet toujours au consommateur d’y recourir ».
Il en résulte que si un médiateur de la consommation national « sectoriel » existe, le professionnel doit obligatoirement informer les consommateurs et leur permettre de recourir à ce médiateur.
Les modalités pratiques de la médiation de la consommation :
Les articles R.152-1 et suivants du Code de la consommation fixent les points suivants :
- les modalités d’information du consommateur lui permettant de recourir effectivement à un médiateur de la consommation ;
- les règles relatives au processus de médiation de la consommation, les exigences d’indépendance et d’impartialité attachées au statut de médiateur de la consommation et les obligations d’information et de communication qui incombent à ce dernier ;
- les exigences de gratuité et d’accessibilité de la médiation, qui doit pouvoir être mise en œuvre notamment par voie électronique ou par courrier simple ;
- l’organisation, les moyens et les modalités de fonctionnement de la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, laquelle doit notamment tenir à jour sur son site internet la liste des médiateurs de la consommation et transmettre cette liste à la Commission européenne (article L.153-1 du Code de la consommation).
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Les professionnels disposaient d’un délai de deux mois à compter de la publication du décret pour se conformer à l’ensemble des dispositions de l’ordonnance et du décret. Ainsi, depuis le 1er janvier 2016, les professionnels doivent prévoir le recours à la médiation et en informer les consommateurs conformément à la réglementation.
A ce titre, les professionnels sont censés avoir intégré la possibilité du recours à la médiation dans leurs Conditions Générales de Vente Consommateurs (CGVC), mais également dans leurs Conditions Générales d’Utilisation (CGU) de leur site internet, et dans tout autre contrat passé avec un consommateur.
Notons toutefois qu’en pratique, les professionnels se trouvent confrontés à une difficulté de taille pour se mettre en conformité avec la nouvelle règlementation relative à la médiation de la consommation.
En effet, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC) vient tout juste d’être instituée[2] et elle n’a toujours pas établi de liste de médiateurs. De même, son site internet n’est toujours pas en ligne à la date de rédaction du présent Flash consommation.
Toutefois, par un communiqué en date du 13 janvier 2016, la Secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire a annoncé que la CECMC se réunira le 27 janvier prochain et qu’elle sera en mesure de notifier à la Commission européenne une première liste de médiateurs de la consommation dans les derniers jours de janvier. La CECMC devrait ensuite rapidement publier cette liste des médiateurs sur son site internet afin de la mettre à la disposition du public, conformément à l’article R.155-5 du Code de la consommation. ?
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« Rescrit » en matière d’information sur les prix vis-à-vis des consommateurs.
Depuis le 1er janvier 2016, les professionnels peuvent soumettre à l’Administration toute question ou tout projet ayant trait à leurs obligations en matière d’information sur les prix vis-à-vis des consommateurs et obtenir en réponse un « rescrit », autrement dit une prise de position formelle opposable à l’Administration.
Depuis le 1er janvier 2016, est entrée en vigueur l’ordonnance n°2015-1628 du 10 décembre 2015 « relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l’Administration, sur l’application d’une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur ».
Cette ordonnance, qui a pour objet de renforcer les garanties applicables aux opérateurs économiques et de leur assurer un environnement plus sécurisé au regard des normes applicables, a été prise sur le fondement de l’article 9 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, qui autorise le gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet de permettre à une autorité administrative « d’accorder, à une personne qui le demande, une garantie consistant en une prise de position formelle, opposable à l’Administration, sur l’application d’une norme à sa situation de fait ou à son projet ».
Cette garantie est communément appelée un « rescrit ».
L’ordonnance crée ainsi de nouveaux « rescrits » (ou modernise certains « rescrits » préexistants) en plusieurs matières (droit du travail, propriété des personnes publiques, contrôle des structures des exploitations agricoles…)[3], mais nous nous intéressons ici plus particulièrement au droit de la consommation.
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Rappelons qu’en application des articles L.113-3 et L.113-3-1 du Code de la consommation, tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l’exécution des services.
Les modalités de cette obligation ont été précisées par arrêtés et notamment par l’arrêté du 3 décembre 1987 « relatif à l’information du consommateur sur les prix ».
Tout manquement à ces articles et aux arrêtés pris pour leur application est passible d’une amende administrative d’un montant (maximum) de 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € (maximum) pour une personne morale.
Or, les professionnels se trouvent parfois, en pratique, face à des difficultés d’interprétation de ces textes, devant ainsi faire face à une insécurité juridique avec le risque d’être sanctionnés d’une amende administrative, dont le montant n’est pas négligeable.
Dans l’objectif de résoudre cette problématique, l’ordonnance du 10 décembre 2015 a mis en place un dispositif de prise de position formelle de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), pour les professionnels qui le demandent, quant à l’information sur les prix qu’ils doivent donner aux consommateurs.
En effet, l’ordonnance insère dans le Code de la consommation un article L.113-3-3 ainsi rédigé :
« I. – Tout professionnel peut demander à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation de prendre formellement position sur la conformité aux articles L.113-3 et L.113-3-1 et aux mesures réglementaires prises pour leur application, des modalités de l’information sur les prix de vente au consommateur qu’il envisage de mettre en place.
Cette prise de position formelle a pour objet de prémunir le demandeur d’un changement d’appréciation de l’autorité administrative qui serait de nature à l’exposer à la sanction administrative prévue à l’article L.113-3-2.
II. – L’autorité administrative prend formellement position sur cette demande dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.
Le silence gardé par l’autorité administrative à l’issue de ce délai vaut rejet de cette demande.
Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent II, notamment le contenu, les modalités de dépôt et d’avis de réception de la demande.
III. – La garantie prend fin :
1° A la date à laquelle la situation du professionnel n’est plus identique à celle présentée dans la demande ; les modalités de constatation de cette situation et d’information du professionnel sont précisées par décret en Conseil d’Etat ;
2° A la date à laquelle est intervenue une modification dans la législation ou la réglementation applicable de nature à affecter la validité de la garantie ;
3° A compter du jour où l’autorité administrative notifie au professionnel la modification de son appréciation. Cette notification fait l’objet d’une information préalable du professionnel. »
Ainsi, sur demande écrite, précise et complète de la part de professionnels de bonne foi, ces derniers pourront soumettre à la DGCCRF des projets d’affichage ou d’étiquetage de prix par exemple.
L’Administration pourra alors « apprécier le caractère lisible et compréhensible de l’information, l’adaptation au produit du procédé et support d’information choisi, ou encore la pertinence des raisons qui empêchent de calculer le prix à l’avance et le caractère compréhensible du mode de calcul du prix »[4].
La DGCCRF devra se prononcer sur la conformité de ces projets aux articles L.113-3 et L.113-3-1 du Code de la consommation et à leurs arrêtés d’application dans un délai qui sera fixé par un décret (non encore publié à la date de rédaction de ce Flash Consommation).
Le silence de la DGCCRF vaudra, non pas acceptation (comme le voudrait la règle générale), mais rejet de la demande.
En cas de réponse de la DGCCRF et prise de position formelle de sa part, cela l’engagera et préservera le professionnel de toute sanction, même en cas d’erreur d’appréciation de l’Administration.
Ainsi, le « rescrit » de la DGCCRF constitue une véritable garantie pour le professionnel qui le prémunira d’un changement d’appréciation de l’Administration et donc du risque que soit prononcée contre lui une amende administrative.
Cette garantie n’est toutefois bien évidemment pas éternelle et peut prendre fin :
- dès que la situation du professionnel n’est plus identique à celle présentée dans la demande ;
- en cas de modification de la législation ou de la réglementation applicable de nature à affecter la validité du « rescrit » ;
- si la DGCCRF notifie au professionnel la modification de son appréciation, ce dont il doit être informé au préalable.
Ce « rescrit » – dont certaines modalités demeurent à être précisées par décret – constitue donc une vraie nouveauté en droit de la consommation. Gageons que les professionnels en feront bon usage. ?
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Réductions de prix pour les consommateurs :
La réglementation française n’est toujours pas conforme au droit européen – Une nouvelle réglementation est à prévoir (affaire C-13/15 « Cdiscount »)
La réglementation française relative aux annonces de réduction de prix a été récemment modifiée par un arrêté ministériel du 11 mars 2015, aux fins d’une mise en conformité avec le droit européen. Toutefois, il ressort de l’Ordonnance de la CJUE du 8 septembre 2015 rendue dans l’affaire C-13/15 « Cdiscount » sur demande de décision préjudicielle de la Cour de cassation française, que cette réforme n’a pas été suffisante…
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Si les prix sont fixés librement par les professionnels, lesquels peuvent décider d’augmenter ou de réduire leur prix comme ils le souhaitent, la façon d’annoncer une réduction de prix a toujours été encadrée très strictement en France, l’objectif étant de protéger le consommateur d’une présentation trop attrayante par rapport à la réalité de la réduction accordée.
Cette réglementation des annonces de réduction de prix, bien qu’ancienne et dont l’application était sévèrement contrôlée par l’Administration, a dû faire l’objet d’une réforme substantielle à la suite de la directive n°2005/29 du 11 mai 2005 « relative aux pratiques commerciales déloyales » et de son interprétation par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).
Rappel de l’évolution de la règlementation française en matière d’annonces de réduction de prix
En matière d’annonces de réduction de prix, les textes de référence furent longtemps l’arrêté n°77-105/P du 2 septembre 1977 « relatif à la publicité des prix à l’égard du consommateur » et ses trois circulaires d’interprétation, leur objectif proclamé étant de faciliter l’annonce des rabais réels tout en accroissant la protection des consommateurs contre les annonces de prix fictives ou trompeuses.
Par la suite, l’arrêté du 31 décembre 2008 « relatif aux annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur », a abrogé et remplacé l’arrêté n°77-105/P, afin – tout en en reprenant les principales règles – de l’adapter à certaines évolutions commerciales, telles que l’essor du commerce en ligne ou le développement des magasins d’usine et de déstockage.
En vertu de ce dispositif réglementaire, les annonces de réduction de prix étaient encadrées par un grand nombre de limites et d’interdictions. En particulier, la remise annoncée ne pouvait être établie que par rapport à un « prix de référence » défini de manière très stricte. L’arrêté du 31 décembre 2008 fixait en effet seulement quatre prix de référence possibles :
- Le prix le plus bas pratiqué dans les 30 jours précédant l’opération ;
- Le prix conseillé par le fabricant ou l’importateur du produit ;
- Le prix maximum résultant d’une disposition de la réglementation économique ;
- Le dernier prix conseillé par le fabricant ou l’importateur lorsque le produit annoncé à prix réduit n’a pas été vendu ou proposé à la vente dans l’établissement ou sur le site de vente à distance.
Toutefois, la validité de cette réglementation au regard de la directive n°2005/29 du 11 mai 2005 « relative aux pratiques commerciales déloyales » a été très sérieusement remise en question par un arrêt de la CJUE, rendu au cours de l’été 2014, s’agissant de la loi belge, laquelle prévoyait des règles analogues à la réglementation française.
Une première remise en cause indirecte par la CJUE
Interrogée quant à la validité de la réglementation belge relative aux annonces de réduction de prix, la CJUE a jugé, par un arrêt du 10 juillet 2014 (affaire n° C-421/12), que cette réglementation, imposant que toute annonce de réduction de prix fasse référence au prix le plus bas appliqué durant le mois précédant l’annonce, était contraire à la directive n°2005/29 précitée, car elle avait pour effet d’interdire toute réduction de prix qui n’était pas conforme à cette obligation.
Rappelons que la directive n°2005/29 comporte à son annexe I, une liste exhaustive de 31 pratiques réputées déloyales en toutes circonstances pouvant être interdites en tant que telles par les législations nationales. Les autres pratiques ne peuvent être interdites per se sans analyse au préalable de leur caractère déloyal au sens de la directive.
Or, parmi ces 31 pratiques ainsi énumérées, ne figure pas l’encadrement des annonces de réductions de prix de sorte qu’une telle annonce devrait, en principe, seulement faire l’objet d’un examen au cas par cas pour déterminer si elle est déloyale ou non.
Précisons, à cet égard, qu’il ressortait déjà clairement de plusieurs décisions de la CJUE que certaines pratiques, à savoir en particulier les ventes liées, les ventes avec prime et les loteries publicitaires payantes, n’étant pas énumérées dans la « liste noire » des 31 pratiques déloyales per se de l’annexe I de la directive, elles ne pouvaient être interdites, qu’à la condition qu’une analyse in concreto permette d’en démontrer le caractère déloyal au sens de la directive, laquelle est d’harmonisation maximale ce qui signifie que les Etats membres ne peuvent ni maintenir ni adopter de dispositions plus sévères que celles de la directive.
Ces décisions de la CJUE avaient entrainé une modification très sensible du Code français de la consommation. La France n’avait en revanche pas encore pris la peine de modifier la règlementation nationale relative aux annonces de réduction de prix. Elle a dû s’y résoudre suite à l’arrêt du 10 juillet 2014 de la CJUE, compte tenu de la similarité entre les règlementations française et belge.
C’est dans ce contexte qu’a été adopté l’arrêté du 11 mars 2015 « relatif aux annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur » qui abroge et remplace l’arrêté du 31 décembre 2008 à compter du 25 mars 2015.
L’arrêté du 11 mars 2015
Ce texte précise que « toute annonce de réduction de prix est licite sous réserve qu’elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L.120-1 du code de la consommation » et qu’elle soit conforme aux exigences suivantes :
- lorsqu’une annonce de réduction de prix est faite dans un établissement commercial, l’étiquetage, le marquage ou l’affichage des prix réalisés conformément aux dispositions en vigueur doivent préciser, outre le prix réduit annoncé, le prix de référence qui est déterminé par l’annonceur et à partir duquel la réduction de prix est annoncée ;
- lorsque l’annonce de réduction de prix est d’un taux uniforme et se rapporte à des produits ou services parfaitement identifiés, cette réduction peut être faite par escompte de caisse. Dans ce cas, cette modalité doit faire l’objet d’une information, l’indication du prix réduit n’est pas obligatoire et l’avantage annoncé s’entend par rapport au prix de référence ;
- l’annonceur doit pouvoir justifier de la réalité du prix de référence à partir duquel la réduction de prix est annoncée.
Cet arrêté a eu ainsi pour effet de permettre aux commerçants de choisir le prix de référence de son choix, sans que celui-ci ne soit encadré par la loi, à condition qu’il puisse en justifier.
L’abrogation de l’arrêté du 31 décembre 2008 a également entraîné la suppression des autres règles de publicité de prix prévues par ce texte (à savoir : l’obligation de fournir les produits et services au prix indiqué ; la disponibilité obligatoire des produits ou services dont le prix est publié ; l’interdiction de l’indication dans la publicité de réductions de prix ou d’avantages quelconques qui ne sont pas effectivement accordés à tout acheteur de produits ou à tout demandeur de prestation de services dans les conditions annoncées ; l’obligation pour tout vendeur de produits ou prestataire de services accordant des conditions de vente ou des conditions tarifaires préférentielles à des groupes particuliers de consommateurs d’en faire la publicité à l’intérieur de son point de vente ou sur son site marchand électronique).
L’ensemble de ces pratiques pourront cependant être sanctionnées si elles s’avèrent correspondre, au cas par cas, à des « pratiques commerciales déloyales », au sens des articles L.120-1 et suivants du Code de la consommation, à savoir des pratiques contraires aux exigences de la diligence professionnelle, et qui altèrent, ou sont susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.
En adoptant cet arrêté du 11 mars 2015, la France devait s’estimer désormais en conformité avec le droit européen et plus précisément avec la directive n°2005/29 précitée.
Toutefois, l’Ordonnance du 8 septembre 2015 rendue par la Cour de Justice de l’Union européenne dans l’affaire C-13/15 « Cdiscount SA » sur question préjudicielle posée par la Cour de cassation française vient contredire cette position. ?
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L’Ordonnance de la CJUE du 8 septembre 2015
Précisons à titre préalable que cette ordonnance concerne l’ancien arrêté du 31 décembre 2008 (en vigueur au moment des faits concernés) et non pas directement le nouvel arrêté du 11 mars 2015 qui l’a depuis abrogé et remplacé. Toutefois, compte tenu des termes employés par la CJUE dans son Ordonnance, celle-ci devrait avoir un impact sur le nouvel arrêté.
Afin de bien comprendre les apports de cette Ordonnance de la CJUE, il convient de revenir sur les circonstances dans lesquelles elle est intervenue :
Une procédure pénale avait été engagée à l’encontre de Cdiscount concernant l’absence d’indication du prix de référence lors de ventes à prix réduit effectuées par Cdiscount sur un site de vente en ligne.
Dans ce cadre, Cdiscount avait été condamnée en première instance et en appel pour n’avoir pas indiqué les prix de référence dans le cadre d’offres d’achat à prix réduits sur son site de vente électronique, ce qui était clairement contraire à l’arrêté du 31 décembre 2008 relatif aux annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur (alors en vigueur).
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de de poser à la CJUE la question préjudicielle suivante :
« Les dispositions des articles 5 à 9 de la [directive n°2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales] font-elles obstacle à ce que soient interdites, en toutes circonstances, quelle que soit leur incidence possible sur la décision du consommateur moyen, des réductions de prix qui ne seraient pas calculées par rapport à un prix de référence fixé par voie réglementaire ? ».
Par son Ordonnance du 8 septembre 2015, la CJUE a considéré qu’une annonce de réduction de prix constituait une pratique commerciale, laquelle n’est pas énumérée dans la liste noire des pratiques déloyales per se de l’annexe 1 de ladite directive. Elle en déduit qu’une telle pratique ne peut être sanctionnée qu’à la condition qu’une analyse in concreto permette d’en démontrer son caractère déloyal.
La CJUE a alors répondu à la question posée par la Cour de cassation française :
« la directive sur les pratiques commerciales déloyales doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à des dispositions nationales, telles que celles en cause au principal, qui prévoient une interdiction générale, sans évaluation au cas par cas permettant d’établir le caractère déloyal, des annonces de réduction de prix qui ne font pas apparaître le prix de référence lors du marquage ou de l’affichage des prix, pour autant que ces dispositions poursuivent des finalités tenant à la protection des consommateurs. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si tel est le cas dans l’affaire au principal ».
Autrement dit, il ressort de cette Ordonnance que l’arrêté du 31 décembre 2008 est non-conforme à la directive n°2005/29/CE.
Toutefois, entre-temps, l’arrêté du 31 décembre 2008 a été abrogé et remplacé par l’arrêté du 11 mars 2015, qui a considérablement assoupli les règles applicables aux annonces de réduction de prix, notamment en permettant aux commerçants de déterminer librement leur prix de référence.
Il n’en demeure pas moins qu’eu égard aux termes de l’Ordonnance de la CJUE, le nouvel arrêté n’apparait pas davantage conforme au droit européen que l’ancien.
En effet, la CJUE indique clairement que la directive s’oppose à ce que les dispositions nationales des États membres prévoient une interdiction générale des annonces de réduction de prix ne faisant pas apparaitre de prix de référence, mécanisme à ce jour maintenu par l’arrêté du 11 mars 2015. Celui-ci prévoit en effet toujours l’obligation de préciser « outre le prix réduit annoncé, le prix de référence qui est déterminé par l’annonceur et à partir duquel la réduction de prix est annoncée ».
Il est donc plus que probable que l’arrêté du 11 mars 2015 soit rapidement abrogé. La règlementation française relative aux annonces de réduction de prix devrait donc prochainement être modifiée afin de supprimer l’obligation d’indiquer un prix de référence, quel qu’il soit. ?
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L’action de groupe a fêté son premier anniversaire, quel bilan ?
Introduite fin 2014 dans le Code de la Consommation[5] par la loi relative à la consommation n°2014-344 du 17 mars 2014 dite « loi Hamon » et entrée en vigueur le 1er octobre 2014, la procédure de l’action de groupe est venue permettre la réparation des préjudices subis par les consommateurs placés dans une situation identique ou similaire et ayant pour origine un manquement d’un professionnel à ses obligations légales ou contractuelles.
Cet anniversaire est l’occasion de constater que seulement six procédures ont été engagées depuis octobre 2014 dans les secteurs financiers, des télécommunications, du logement et de l’hébergement touristique. Les affaires, encore pendantes devant les tribunaux, révèlent pourtant l’étendue du champ potentiel d’application de la procédure de l’action de groupe :
- UFC-Que Choisir contre Foncia pour avoir facturé abusivement aux locataires un « service d’avis d’échéance » ;
- Familles rurales contre SFR pour des pratiques commerciales trompeuses liées à la couverture du réseau 4G ;
- CLCV contre AXA et AGIPI pour une modification illicite du taux de rémunération des contrats d’assurance-vie Cler en cours d’exécution du contrat ;
- Confédération nationale du logement (CNL) contre le bailleur social 3F pour une clause abusive dans les contrats, qui imposait une pénalité de 2% infligée pour tout retard de paiement total ou partiel du loyer ou des charges ;
- Familles Rurales contre l’exploitant du camping le Manoir de Ker an Poul qui obligerait certains propriétaires de mobil-homes à en acheter un nouveau au terme d’une période de 10 ans s’ils veulent conserver leur parcelle ;
- Enfin, la procédure engagée par l’Association SLC-CSF contre Paris Habitat qui a finalement pu se conclure par un accord négocié le 19 mai 2015, permettant l’indemnisation de près de 10 000 consommateurs lésés au titre de charges indues relatives à la télésurveillance des ascenseurs.
En outre, le récent scandale impliquant le groupe VW (Audi, Seat, Skoda, Volkswagen, etc.) pour tromperie alléguée concernant des voitures équipées d’un moteur couplé à un logiciel incriminés dans une fraude aux tests anti-pollution, a entrainé l’ouverture d’une nouvelle procédure[6].
Alors que les conditions de recevabilité de l’action sont particulièrement restreintes en ne visant que les litiges liés à la vente d’un bien ou d’un service ou nés à l’occasion d’une pratique anticoncurrentielle et en accordant un monopole à certaines associations de consommateurs, la difficulté la plus importante apparait être celle de l’évaluation du préjudice.
Le texte précise que la réparation ne peut concerner que des préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels mais comment déterminer le montant du préjudice alors qu’il s’agit souvent de consommateurs lésés par le prix d’un bien ou d’un service ? Cette difficulté est particulièrement flagrante dans les cas où le préjudice découle d’une entente illicite car si l’Autorité de la concurrence fixe le montant de l’amende en évaluant le préjudice subi par l’économie du secteur intéressé notamment, elle ne donne en revanche pas d’indication sur le préjudice subi directement par le consommateur.
En tout état de cause, le recours collectif doit aujourd’hui être intégré dans la stratégie juridique des entreprises comme un risque de contentieux important. La nécessité d’une meilleure formation des commerciaux et des managers doit ainsi être accompagnée de la capacité d’action des juristes pour l’anticipation et la gestion du risque lié à une éventuelle action de groupe. La principale crainte des entreprises relève des dérives médiatiques. En effet, les actions de groupe sont rendues publiques dès leur lancement et donc avant même la résolution du litige.
Par ailleurs concernant les nouveautés liées à l’action de groupe, il faut relever la récente modification de l’article L.423-6 du Code de la Consommation par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « loi Macron » ayant introduit la possibilité pour l’avocat de conserver sur un compte CARPA spécifique les sommes versées à une association de consommateur dans le cadre d’une action de groupe.
Notons également que le projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire adopté en 1ère lecture devant le Sénat le 5 novembre 2015 prévoit la création d’un cadre légal d’une action de groupe en matière de discrimination (article 19 et suivants du projet de loi). Le projet de loi permet aux organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national interprofessionnel, au niveau de la branche ou au niveau de l’entreprise d’initier en matière de discrimination au travail des actions de groupe à l’encontre d’un employeur privé ou public tendant à la cessation des pratiques. En dehors de toute relation de travail, le projet de loi autorise également les associations titulaires d’un agrément national, dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts auxquels il a été porté atteinte, à introduire des actions de groupe contre les discriminations commises. Dans le cadre de cette action de groupe de droit commun, les actions peuvent tendre à la cessation du manquement et/ou à la réparation des préjudices subis.
Enfin, les nouveaux articles L.1143-1 du Code de la santé publique issus du projet de loi relatif à la santé adopté en lecture définitive devant l’Assemblé nationale le 17 décembre 2015, qui devrait entrer en vigueur prochainement[7] ; autorisent les associations d’usagers du système de santé agréées à intenter des actions de groupe afin de permettre l’indemnisation des préjudices subis résultant de dommages corporels par les usagers de médicaments, dispositifs médicaux ou paramédicaux ou encore produits sanguins avec une extension du domaine d’application aux préjudices corporels. ?
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Brèves sur les nouveautés issues de la loi Macron
Suppression de la possibilité pour le consommateur d’exercer son droit de rétractation dès la conclusion du contrat dans le cadre de l’achat d’un bien acheté en ligne
La loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises avait ajouté la possibilité pour le consommateur, lors d’un achat d’un produit à distance, d’exercer son droit de rétractation dès la conclusion du contrat afin de lui permettre de ne pas avoir à attendre la réception du bien.
La loi Macron vient supprimer cette possibilité d’exercer de manière anticipée son droit de rétractation s’agissant des ventes conclues à distance ou conclues à la suite d’un démarchage téléphonique. Elle la limite aux seuls contrats de vente ou de prestation de services incluant la livraison d’un bien conclues hors établissement.
Nouvelles obligations a la charge des market place
Le nouvel article L.111-5-1 du Code de la consommation issu de la Loi Macron a mis à la charge de toute personne dont l’activité consiste à mettre en relation par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, ou de la fourniture d’un service notamment, de nouvelles obligations. Il s’agit ainsi désormais, pour les éditeurs de places de marché, de délivrer aux utilisateurs une information « loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement, et de déréférencement des offres mises en ligne ».
Le contenu de ces informations et leurs modalités de communication doivent être fixés par décret qui devrait intervenir au printemps 2016.
Il revient également à la marketplace de mettre à la disposition des vendeurs un espace leur permettant de communiquer aux acheteurs potentiels l’ensemble des informations précontractuelles prévues par l’article L 121-17 du Code de la consommation (droit de rétractation, garanties, mode de règlement des litiges etc.).
Nouvelle procédure pour la suppression des clauses illicites ou abusives d’un contrat de consommation
Selon le nouvel article L.421-7 du Code de la consommation modifié par la loi Macron, les associations agréées de consommateurs peuvent intervenir à l’instance introduite en réparation d’un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs en raison de faits non constitutifs d’une infraction pénale et notamment demander l’application des mesures prévues à l’article L.421-2 destinées « à faire cesser des agissements illicites ou supprimer dans le contrat ou le type de contrat proposé aux consommateurs une clause illicite ». ?
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Appréciation du caractère déloyal d’une vente liée
CA Paris, 5 juin 2014, n°12/19175, UFC Que Choisir c/ Hewlett Packard
Depuis la loi n°2011-525 de simplification et d’amélioration du droit du 17 mai 2011, les ventes liées ne sont plus interdites en tant que telles mais seulement si elles présentent un caractère déloyal au sens de l’article L. 120-1 du Code de la consommation.
L’article L. 122-1 de ce même Code dispose en effet que :
« Il est interdit de (…) subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 120-1 ».
Pour vérifier la licéité d’une vente liée, il convient donc de s’assurer qu’elle n’est pas déloyale, au sens de l’article L. 120-1 du Code de la consommation, mais également si elle n’est pas trompeuse, au sens de l’article L. 121-1 du même Code, ou agressive au sens de l’article L. 122-11.
En effet, l’article L. 120-1 du Code de la consommation dispose que :
« Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. (…)
Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1 ».
C’est donc à juste titre que la Cour d’appel de Paris, interrogée sur la licéité de la vente d’un ordinateur avec un système d’exploitation préinstallé, a, dans un arrêt du 5 juin 2014[8], considéré que :
« Il convient donc d’examiner la pratique de vente dénoncée par l’association UFC Que Choisir au regard de la combinaison de ces dispositions et de vérifier, ainsi qu’elle le demande, si la vente d’ordinateurs pré-équipés d’un logiciel d’exploitation dans les conditions offertes par la société HP France, est constitutive d’une pratique commerciale présumée par elle-même trompeuse au regard des dispositions des articles 6 et 7 de la directive, transposés dans l’article L. 121-1 du code de la consommation, mais aussi si elle est présumée agressive, si elle est contraire à la diligence professionnelle et, dans le cas d’une réponse positive à l’une des questions précédentes, si elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique par rapport au produit du consommateur moyen qu’elle touche ».
- S’agissant du caractère potentiellement trompeur d’une vente liée
Dans le cas d’espèce, le caractère trompeur de la vente liée proposée par Hewlett Packard résidait notamment, selon UFC Que Choisir, dans le fait que Hewlett Packard ne précisait pas le prix des différents éléments composant le lot, à savoir l’ordinateur, d’une part, et le logiciel d’exploitation et d’utilisation, d’autre part.
S’agissant de l’affichage du prix d’un lot, l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur sur les prix dispose que les produits vendus par lots doivent comporter un écriteau mentionnant le prix et la composition du lot ainsi que le prix de chaque produit composant le lot.
La circulaire du 19 juillet 1988, portant application des dispositions de cet arrêté, précise quant à elle que :
« s’agissant de produits vendus par lots, doivent être mentionnés le prix et la composition du lot, ainsi que le prix de chaque produit composant le lot. Cette dernière sujétion ne sera toutefois exigée, en pratique, que pour les lots composés de produits de nature différente ».
Ces textes doivent toutefois se lire aujourd’hui à la lumière de la Directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur.
C’est en effet la transposition de cette Directive, qui est d’harmonisation totale et maximale, qui a conduit à la modification de l’article L. 122-1 du Code de la consommation susvisée.
Dès lors, l’absence d’affichage du prix de chacun des éléments composant un lot ne doit en principe pouvoir être sanctionnée que si elle est de nature à induire le consommateur en erreur et à altérer de manière substantielle son comportement[9].
Toutefois, force est de constater que la jurisprudence sur cette question demeure à ce jour assez floue.
Dans un arrêt du 6 octobre 2011 opposant la société Darty à l’association UFC Que Choisir[10], la Cour de cassation a ainsi jugé – alors que Darty proposait à la vente des ordinateurs prééquipés d’un système d’exploitation sans préciser ni les conditions d’utilisation dudit système d’exploitation ni son prix – que :
« Attendu qu’en statuant ainsi, alors que ces informations, relatives aux caractéristiques principales d’un ordinateur équipé de logiciels d’exploitation et d’application, sont de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause, la cour d’appel a violé le texte susvisé [article L. 121-1 du Code de la consommation] »,
Elle n’a toutefois pas précisé de manière explicite si elle visait, dans son attendu, le prix des logiciels préinstallés, les informations relatives aux conditions d’utilisation des logiciels ou les deux. Dans son arrêt du 5 juin 2014 portant sur une affaire similaire, la Cour d’appel de Paris semble considérer que, dès lors que (i) le consommateur ne se trouvait pas dans l’impossibilité d’acquérir un ordinateur non pré-équipé du logiciel d’exploitation et que (ii) le prix des ordinateurs « nus » ou « quasi-nus » était précisé, l’absence d’affichage du prix de chacun des éléments composant le lot – et notamment du logiciel d’exploitation – ne peut être considérée comme trompeuse.
Par une lecture a contrario de cet arrêt, la Cour semble considérer, dans ce cas d’espèce[11], que l’affichage du prix de chacun des éléments composant le lot ne pourrait être considéré trompeur que si les produits composant le lot ne sont pas proposés à la vente séparément.
Il conviendra en tout état de cause d’attendre l’arrêt qui sera rendu, sur renvoi, par la Cour d’appel de Versailles dans l’affaire Darty précitée pour espérer obtenir une réponse sur la nécessité d’afficher ou non le prix de l’ordinateur nu, d’une part, et du logiciel d’exploitation, d’autre part, dans l’hypothèse où l’achat séparé de chacun de ces éléments n’est pas proposé au consommateur.
- S’agissant du caractère potentiellement déloyal d’une vente liée
Par un arrêt du 5 février 2014[12], la Cour de cassation a jugé, dans une affaire similaire, que :
« en se déterminant ainsi, sans constater l’impossibilité pour M. X… de se procurer, après information relative aux conditions d’utilisation des logiciels, un ordinateur « nu » identique auprès de la société Lenovo France, la juridiction de proximité a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé [article L. 122-1 du Code de la consommation] ».
La Cour de cassation semble ainsi considérer que, dès lors que les produits composant un lot peuvent être achetés séparément par le consommateur – ce qui constituait, avant l’entrée en vigueur de la loi de simplification et d’amélioration du droit, une condition de licéité pour toute vente liée – l’opération de vente liée devrait échapper à la qualification de pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 120-1 du Code de la consommation, sous réserve bien entendu de n’être ni trompeuse, ni agressive.
Se pose en revanche la question de la licéité d’une vente liée dans l’hypothèse où les produits composant le lot ne peuvent être achetés séparément. L’interdiction per se d’une telle pratique n’est, depuis 2011, plus possible et l’opération litigeuse doit faire l’objet d’une analyse in concreto. C’est précisément à cet exercice que s’est essayée la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 5 juin 2014.
Outre la question de savoir si la vente liée proposée par Hewlett Packard pouvait être trompeuse, la Cour s’est interrogée sur un possible manquement à la diligence professionnelle et apporte à ce titre d’intéressantes précisions sur cette notion.
Elle a en effet considéré que :
« Il convient d’examiner à ce titre si la pratique dénoncée par l’association UFC Que Choisir qui consiste à vendre des ordinateurs pré-équipés d’un logiciel d’exploitation constitue une pratique qui, de façon générale, ne serait pas conforme à la diligence professionnelle notamment en ce qu’elle ne répondrait pas à l’intérêt des consommateurs.
(…) il n’est pas démontré qu’à l’époque de la demande dirigée contre la société HP France, soit en 2007, ni d’ailleurs à l’heure actuelle, la grande majorité des consommateurs aurait acquis la maturité de connaissances permettant l’installation d’un logiciel d’exploitation, qui demeure une option complexe réservée à des personnes ayant atteint un certain degré de connaissances en matière de micro-informatique, ainsi que le démontre le rapport d’expertise amiable réalisée à la demande de l’association et versé aux débats. (…)Il convient aussi de relever que le rapport du CREDOC, invoqué par l’association UFC Que Choisir, précisait que si près des deux tiers des acheteurs potentiels aimeraient avoir le choix entre différents système d’exploitation, seuls 12 % seraient prêts à faire l’acquisition d’un ordinateur « nu ».
De plus, force est de constater que la société HP France ne méconnaît pas cette demande puisqu’elle offre à la vente des ordinateurs « nus » ou « quasi-nus ». Le fait que ces offres aient été en 2007 et soient encore, semble-t-il, présentées dans le cadre de celles ciblant les professionnels ne peut, compte tenu des facilités que présente la consultation d’une boutique en ligne, être considéré comme un manquement à la diligence professionnelle (…) ».
Ainsi, pour déterminer si la pratique litigieuse était ou non contraire à la diligence professionnelle et donc potentiellement déloyale, la Cour d’appel de Paris s’est assurée que la vente liée proposée par Hewlett Packard répondait aux attentes d’une part substantielle des consommateurs. A cet effet, elle a pris soin de rechercher quelles étaient les attentes des consommateurs au moment des faits en se référant notamment aux diverses études qui avaient été versées au débat par chacune des parties.
La Cour d’appel de Paris propose ainsi une définition et une approche concrètes de la notion de « diligence professionnelle ».
Rappelons néanmoins que la diligence professionnelle est définie par la Directive 2005/29/CE comme « le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité » et permet donc le recours à divers référentiels.
Si l’intérêt des consommateurs en est un, il semble que la diligence professionnelle d’un opérateur sur le marché puisse également s’analyser au regard des pratiques de ses concurrents. Il n’est donc pas exclu qu’un autre juge puisse retenir une approche très différente de celle de la Cour d’appel de Paris pour vérifier si une pratique commerciale est ou non contraire à la diligence professionnelle.
En recherchant spécifiquement si la pratique commerciale en cause était ou non contraire à la diligence professionnelle, la Cour d’appel de Paris semble considérer qu’il pourrait exister des pratiques commerciales déloyales « autonomes », c’est-à-dire qui seraient déloyales sans être trompeuses ni agressives.
Or, cette existence « autonome » des pratiques commerciales déloyales n’est pas évidente à la lecture du Code de la consommation dans la mesure où il n’existe, à ce jour, aucune sanction pénale ou administrative en cas de violation des dispositions de l’article L. 120-1 du Code de la consommation – qui ne fait que définir ce qu’est une pratique commerciale déloyale en introduisant le titre dixième du Code de la consommation – alors que les pratiques commerciales trompeuses ou agressives sont quant à elles lourdement sanctionnées.
Ainsi, l’auteur d’une pratique commerciale déloyale qui ne serait ni trompeuse ni agressive ne pourrait se voir sanctionné que par (i) la cessation de la pratique commerciale déloyale et, le cas échéant, (ii) l’octroi de dommages et intérêts à un concurrent (sur le fondement de la concurrence déloyale) ou à une association de consommateurs (en réparation du préjudice causé à la collectivité des consommateurs).
Il existe toutefois une exception s’agissant précisément des ventes liées ou subordonnées puisque l’article R. 121-13 du Code de la consommation tel que modifié par la loi Hamon prévoit encore, de manière surprenante, des sanctions pénales spécifiques (contravention de cinquième classe) en cas de violation des dispositions de l’article L. 122-1 du Code de la consommation qui renvoie lui-même à l’article L. 120-1 du même Code.
La démarche de la Cour d’appel de Paris visant à rechercher l’existence d’une éventuelle pratique commerciale déloyale « autonome » semble donc en l’espèce parfaitement justifiée puisque la pratique en cause était une vente subordonnée toujours sanctionnée pénalement et le demandeur, une association de consommateurs.
* * *
Précisons que la délicate problématique de la vente des ordinateurs pré-équipés d’un logiciel d’exploitation devrait bientôt être tranchée ou, à tout le moins, clarifiée, par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).
La Cour de cassation française lui a, en effet, par arrêt du 17 juin 2015 (N° pourvoi 14-11437) adressé une série de questions préjudicielles sur ce point suite à une affaire opposant un consommateur français à Sony :
1°) les articles 5 et 7 de la directive 2005/29 doivent-ils être interprétés en ce sens que constitue une pratique commerciale déloyale trompeuse l’offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés lorsque le fabricant de l’ordinateur a fourni, par l’intermédiaire de son revendeur, des informations sur chacun des logiciels préinstallés, mais n’a pas précisé le coût de chacun de ces éléments ?
2°) l’article 5 de la directive 2005/29 doit-il être interprété en ce sens que constitue une pratique commerciale déloyale l’offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, lorsque le fabricant ne laisse pas d’autre choix au consommateur que celui d’accepter ces logiciels ou d’obtenir la révocation de la vente ?
3°) l’article 5 de la directive 2005/29 doit-il être interprété en ce sens que constitue une pratique commerciale déloyale l’offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, lorsque le consommateur se trouve dans l’impossibilité de se procurer auprès du même fabricant un ordinateur non équipé de logiciels ?
Les réponses de la CJUE restent donc à suivre et nous vous en tiendrons informés…?
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La Cour d’appel de Paris apporte d’intéressantes précisions en matière de publicité comparative
Récemment, la Cour d’appel de Paris a été amenée à se prononcer sur le caractère illicite ou non de deux publicités comparatives. Dans la première affaire, les juges du fond étaient interrogés sur le caractère comparatif ou non d’une publicité utilisant un simple superlatif. Dans la seconde affaire, ils ont eu l’occasion de préciser l’étendue de l’obligation d’objectivité qui incombe à celui qui compare ses prix à ceux pratiqués par ses concurrents.
Sur l’utilisation du superlatif (Cour d’appel de Paris, 5 février 2015, RG n°11/09260, Philips France/Seb) :
Afin d’établir le caractère comparatif d’une publicité, il faut pouvoir démontrer que celle-ci identifie, « implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent » (article L.121-8 du Code de la consommation), identification qui ne s’avère pas toujours si facile à prouver.
Dans un litige opposant Seb à Philips, la Cour d’appel de Paris s’est attelée à expliquer en détail en quoi l’un des slogans publicitaires utilisés par Philips pour vanter les mérites de sa nouvelle friteuse dénommée Airfryer – « les frites les plus savoureuses sans huile » – devait être considéré comme une publicité comparative comparant ladite friteuse à la friteuse Actifry de Seb, alors même que cette dernière n’était pas expressément citée par Philips.
Pour soutenir que la publicité litigieuse était une publicité comparative illicite, Seb considérait qu’il existait un marché spécifique des friteuses « à cuisson saine » sur lequel elle a été le premier intervenant, près de quatre ans avant Philips.
Philips soutenait quant à elle qu’il n’existait qu’un seul marché – celui des friteuses – sur lequel interviennent de nombreux fabricants d’électroménagers de sorte que le slogan litigieux ne pouvait permettre d’identifier un concurrent en particulier.
Pour trancher cette question déterminante pour la qualification juridique de la publicité litigieuse, la Cour d’appel de Paris se livre à une appréciation in concreto.
Après avoir constaté que les friteuses à quantité réduite en huile ne constituaient pas des produits spécifiques non substituables aux autres friteuses, elle relève néanmoins que :
- en utilisant la locution « plus » dans son slogan publicitaire, Philips a volontairement introduit un élément de comparaison ;
- en faisant référence aux seules frites cuites « sans huile », Philips s’est bien placée sur le seul segment des friteuses « cuisson saine ». Ceci est confirmé par une étude versée par Philips elle-même selon laquelle les frites cuites avec l’Airfryer sont globalement moins appréciées que celles cuites avec une friteuse traditionnelle, ce qui exclut toute tentative de comparaison de la part de Philips avec les friteuses traditionnelles ;
- la friteuse Actifry de Seb bénéficiait d’une notoriété certaine auprès des consommateurs, ce qui la rendait parfaitement identifiable par eux, même si elle n’était pas expressément citée par Philips.
Elle conclut ainsi que la publicité de Philips en faveur de sa friteuse Airfryer était bien de nature comparative et devait donc répondre aux conditions fixées par les articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation.
Or, la Cour d’appel a relevé que les résultats de l’étude utilisée par Philips pour justifier sa comparaison étaient peu « significatifs » et, surtout, que certaines des accroches de Philips – « sans huile » et « des frites croustillantes en seulement 12 minutes » – étaient trompeuses, ce qui rendait la publicité comparative illicite.
La Cour d’appel a donc sanctionné Philips à la fois pour pratiques commerciales trompeuses et pour publicité comparative illicite. Philips a ainsi été condamnée à payer à Seb la somme de 600 000€ à titre de dommages et intérêts en raison des actes de concurrence déloyale dont elle s’est rendue coupable. Elle a en outre reçu injonction de procéder au retrait de l’ensemble des produits litigieux du fait des mentions comparatives et trompeuses y figurant.
Il convient donc de retenir de cet arrêt que le superlatif reste à manier avec précaution !?
Sur l’obligation d’objectivité (Cour d’appel de Paris, 3 septembre 2014, RG n°10/23880, Saturn/Darty) :
Toujours en matière de publicité comparative, l’article L.121-8 du Code de la consommation dispose également qu’une publicité comparative, pour être licite, doit répondre à une obligation d’objectivité. Ainsi, lorsqu’une publicité compare les prix pratiqués par deux entreprises concurrentes, cette obligation d’objectivité impose que les consommateurs visés soient à même de connaître les caractéristiques essentielles des produits comparés de nature à justifier les différences de prix constatées.
C’est, entre autres, sur cet aspect que la Cour d’appel de Paris a dû trancher un litige opposant Darty à l’enseigne Saturn. En l’espèce, Darty estimait que des publicités comparatives diffusées par l’enseigne Saturn étaient illicites dans la mesure où elles se contentaient de comparer les prix d’un certain nombre de produits communs aux deux enseignes sans mentionner l’existence du « contrat de confiance » offert par Darty aux consommateurs et justifiant, d’après cette dernière, les différences de prix constatées.
Saturn soutenait en réponse que l’obligation d’énumérer, dans le message publicitaire, les différences tenant aux conditions de vente auxquelles les produits comparés sont commercialisés par chacune des deux enseignes ne s’impose pas au titre de l’objectivité.
Les juges du fond donnent raison à Saturn en considérant que « l’objectivité de la publicité implique que les personnes auxquelles elle s’adresse puissent avoir connaissance des différences de prix des produits comparés et des caractéristiques propres des produits de nature à justifier ces différences de prix » et que ces caractéristiques propres étaient en l’espèce bien connues des consommateurs.
La Cour d’appel ajoute qu’ « il ne saurait y avoir obligation d’exposer au consommateur, au titre de l’objectivité, les paramètres qui permettent de déterminer le prix de ces produits » et qu’il appartenait à Darty de communiquer auprès des consommateurs sur les autres éléments constitutifs de son offre (garantie, service après-vente, hotline, reprise, livraison gratuite à domicile, etc.).
La Cour d’appel considère ainsi que les conditions de vente, et notamment les garanties commerciales offertes par un distributeur, ne font pas partie des caractéristiques essentielles des produits et n’ont donc pas à être précisées dans une publicité comparative portant sur le prix des produits.
Il est vrai que le droit de la consommation semble distinguer les caractéristiques des produits, d’une part, et les garanties commerciales et le service après-vente d’autre part (voir par exemple, Directive 97/7/CE concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, articles 4 et 5 ; Code de la consommation, articles L. 111-1 et R. 111-1).
Toutefois, il n’en demeure pas moins que l’existence d’une garantie commerciale est une information essentielle pour le consommateur qui doit, à ce titre, lui être communiquée avant que ce dernier ne soit lié par un contrat de vente (en application des articles L. 111-1 et R. 111-1 du Code de la consommation).
Dès lors, on ne peut totalement exclure que la Cour de cassation considère que l’existence d’une garantie commerciale doive, à ce titre, être indiquée dans une publicité comparative entre deux distributeurs concurrents. En effet, ne devrait-on pas davantage s’interroger sur le caractère déterminant, dans le choix du consommateur, de l’existence d’une garantie commerciale plutôt que sur la seule question de savoir si une garantie commerciale doit ou non être considérée comme une caractéristique essentielle des produits comparés ? ?
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Pratiques commerciales trompeuses :
A quel moment faut-il apprécier l’existence d’une altération du comportement économique du consommateur ? Une question réellement complexe …
CA Paris, 21 mai 2014, n°12/01417, Nestlé Purina Petcare France c/ Mars PF France
CA Lyon, 24 juillet 2014, n°11/08322, Concurrence c/ Kelkoo
Avec la transposition de la Directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, un nouveau critère est désormais posé par le Code de la consommation pour caractériser l’existence d’une pratique commerciale trompeuse : la démonstration d’une altération, effective ou potentielle, du comportement économique du consommateur.
Bien que ce critère ne soit pas expressément repris à l’article L. 121-1 du Code de la consommation relatif aux pratiques commerciales trompeuses, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser, dans un arrêt du 29 novembre 2011[13], que :
« Attendu que (…) l’arrêt retient que cette société suit une pratique qui doit être qualifiée de trompeuse au sens des dispositions de l’article L. 121-1 du code de la consommation et qui constitue une pratique commerciale déloyale au sens des dispositions de l’article L. 120-1 du même code en omettant de s’identifier comme site publicitaire, de mettre à jour en temps réel les prix, d’indiquer les périodes de validité des offres, d’indiquer les frais de port et/ou d’enlèvement, d’indiquer les conditions de la garantie des produits, de mentionner les caractéristiques principales des produits ou services offerts ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans vérifier si ces omissions étaient susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, ce que la société Kelkoo contestait, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Ainsi, pour pouvoir être qualifiée de trompeuse, une pratique commerciale doit :
- contenir des informations fausses, mensongères ou des informations qui, bien que correctes dans les faits, peuvent induire le consommateur en erreur ;
- altérer ou être susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Une telle lecture est parfaitement conforme au texte de la Directive susvisée et cette décision de la Cour de cassation permet ainsi de pallier une lacune du droit français qui a mal transposé ladite Directive.
L’altération du comportement économique du consommateur est définie par la Directive 2005/29/CE comme « l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ».
Reste néanmoins à déterminer comment doit être appréciée cette « altération substantielle du comportement économique du consommateur ».
En effet, bien que la Directive 2005/29/CE exige une appréciation au cas par cas du caractère potentiellement déloyal ou trompeur des pratiques commerciales, il paraît indispensable, pour assurer une certaine sécurité juridique, de définir un cadre commun pour cette analyse.
Or, force est de constater, au vu de la jurisprudence récente, qu’il n’existe à ce jour aucune unité dans la manière d’appréhender la caractérisation d’une telle altération substantielle du comportement économique du consommateur.
Se pose en particulier la question de savoir à quel moment doit s’apprécier cette altération : au moment de l’acte d’achat du produit ou service objet de la pratique commerciale litigieuse ou au moment où le consommateur prend connaissance du message de cette dernière ?
Les Cours d’appel de Paris et de Lyon semblent en désaccord sur ce point.
- Par un arrêt du 21 mai 2014[14], la Cour d’appel de Paris, qui était invitée à se prononcer sur le caractère potentiellement trompeur d’une publicité télévisée en faveur des aliments pour chiens proposés par la société Nestlé Purina Petcare France, a jugé que :
« Considérant que la société Mars affirme à juste titre, en se plaçant au moment de la diffusion de la publicité litigieuse, qu’un consommateur, entretenant une relation affectueuse et particulière avec son animal de compagnie jusqu’à le considérer comme un membre de sa famille et disposant de 25 secondes pour comprendre et percevoir la portée d’un message diffusé au travers d’une voix off et d’images, va être amené à se focaliser sur le message saillant de cette publicité ; que les termes et le ton employés, les visuels et les ressorts psychologiques, associés à la caution scientifique du message publicitaire, faisant ressortir que la consommation des croquettes rallongeait la vie des chiens de deux années, ont nécessairement influé sur le comportement des consommateurs, persuadés de la véracité de ce message ; que la renommée de Nestlé rend d’autant plus puissante la valeur persuasive de ce message ; que le comportement des consommateurs a été d’autant plus substantiellement altéré que l’étude scientifique citée à l’appui du message publicitaire a été détournée de son objet ».
Dans cette affaire, la société Nestlé Purina Petcare France soutenait que la publicité litigieuse n’était pas de nature à altérer substantiellement le comportement économique du consommateur dans la mesure où une telle altération doit s’apprécier lors de la décision d’achat et qu’en l’espèce, les informations fournies par la publicité litigieuse étant notamment reprises sur les emballages des produits, le consommateur était en mesure d’effectuer un choix libre et éclairé.
Pour soutenir le contraire, la société Mars PF France s’est référée à la Directive 2005/29/CE et plus précisément :
- à la définition de la notion de « décision commerciale » donnée à l’article 2 (k) de la Directive, à savoir « toute décision prise par un consommateur concernant l’opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d’acheter [un produit] (…) ; une telle décision peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s’abstenir d’agir » ;
- à l’article 3 de la Directive qui dispose que « la présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit » ;
- au document de travail de la Commission relatif à la mise en œuvre et l’application de la Directive 2005/29/CE qui précise qu’ « il convient de noter qu’une décision d’achat prise par un consommateur sera qualifiée de décision commerciale même si elle ne conduit pas ou n’est pas suivie de la conclusion d’une transaction valide entre le consommateur et le professionnel » et qu’ « il existe une grande diversité de décisions commerciales, autres que celle d’acheter (ou de ne pas acheter), qui peuvent être prises par le consommateur en ce qui concerne un produit ou un service. Ces décisions commerciales peuvent conduire à des actes auxquels le droit national des contrats n’attache aucune conséquence juridique et elles peuvent être prises à tout moment entre celui où le consommateur est exposé au marketing pour la première fois et la fin de vie d’un produit ou la dernière utilisation d’un service ».
Considérant que le seul visionnage de la publicité litigieuse était susceptible d’influer sur la décision commerciale du consommateur et en particulier sur l’opportunité d’aller ou non acheter le produit, la société Mars PF France, suivie par la Cour d’appel de Paris, a ainsi conclu que la publicité litigieuse était de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur et ce, quand bien même l’ensemble des informations permettant au consommateur de prendre une décision en toute connaissance de cause étaient reprises sur l’emballage des produits.
- Quelques mois plus tard, la Cour d’appel de Lyon devait, sur renvoi après cassation, se prononcer sur la validité du comparateur de prix Kelkoo[15].
La société Concurrence soutenait que ce comparateur de prix constituait une pratique commerciale trompeuse notamment parce que les prix des produits comparés n’étaient pas mis à jour en temps réel.
Ce à quoi la Cour d’appel a répondu :
« Attendu qu’à titre liminaire, il convient de repérer quelle altération substantielle est susceptible de toucher le consommateur défini par les textes, étant bien précisé qu’il doit, pour poursuivre dans une démarche d’achat, être systématiquement redirigé vers le site marchand référencé par Kelkoo ;
(…)
Attendu, cela étant, que la pratique commerciale dénoncée pour être de nature à induire temporairement en erreur, n’est ainsi pas susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, du fait de cette information qu’il recueillera immanquablement avant de procéder ou non à un achat, l’absence de fiabilité des tableaux comparatifs étant d’ailleurs de nature à conduire l’internaute à ne plus faire confiance au site ».
De même, s’agissant de l’absence de mise à jour de la période de validité des offres qui était également reprochée par la société Concurrence, la Cour d’appel de Lyon a considéré que :
« attendu qu’elle [la société Concurrence] met en avant, pour caractériser une altération substantielle du comportement des consommateurs, la réduction du délai de leur réflexion et d’un passage à l’acte d’achat sans disposer de ce renseignement, alors que sans cette carence, ce délai aurait été plus long ;
Qu’ici encore, s’agissant uniquement de l’acte d’achat effectué par le consommateur, son accès nécessaire au site marchand et aux informations qu’il doit nécessairement et légalement délivrer, en l’espèce le prix de vente et la persistance de l’offre, n’est pas susceptible d’influencer ce stade ultime, conditionné par le prix affiché sur le site où la vente va nécessairement se dérouler ».?
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Dans cette affaire, la Cour d’appel s’est ainsi résolument placée au moment de l’acte d’achat – et non au moment de la consultation du comparateur de prix par le consommateur – pour conclure à l’absence d’altération du comportement économique du consommateur.
A la lecture de cet arrêt, la détermination du moment où il convient de se placer pour apprécier le caractère trompeur d’une pratique commerciale paraît d’autant plus importante que, selon que l’on se place au moment de l’acte d’achat ou de la prise de connaissance du message véhiculé par la pratique commerciale en cause, la conclusion de la Cour est différente, cette dernière reconnaissant l’existence d’une pratique « temporairement » trompeuse lorsqu’elle se place au moment de la consultation du comparateur de prix par le consommateur.
Sur cette question du moment où doit s’apprecier une possible altération substantielle du comportement économique du consommateur, l’article L. 121-1-II du Code de la consommation tel que modifié par la loi n°2014-344 relative à la Consommation du 17 mars 2014 (dite « loi Hamon ») apporte quelques précisions puisqu’il dispose que :
« Lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d’espace ou de temps, il y a lieu, pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d’autres moyens ».
Ce nouvel alinéa semble ainsi inviter à apprécier le caractère trompeur d’une pratique commerciale après la diffusion du message publicitaire potentiellement trompeur, en tenant compte des informations mises à la disposition du consommateur par l’annonceur entre le moment de la diffusion du message publicitaire et l’acte d’achat. Cette disposition ne vise toutefois à ce jour que les seules pratiques commerciales trompeuses par omission et non les pratiques commerciales trompeuses par action visées à l’article L. 121-1-I du Code de la consommation.
La question du moment de l’appréciation d’une éventuelle altération du comportement économique du consommateur reste donc incertaine à ce jour et mériterait peut-être d’être posée, à titre préjudiciel, à la Cour de Justice de l’Union Européenne.
En attendant, le plus prudent pour les annonceurs est sans nul doute d’évaluer le caractère potentiellement trompeur de leurs messages publicitaires au moment où intervient la diffusion de ceux-ci.
[1] Art. L.151-4 du Code de la consommation.
[2] Ses membres ont été nommés par Arrêté ministériel du 15 décembre 2015 et la CECMC s’est réunie pour la première fois le 13 janvier 2016.
[3] L’ordonnance modifie ainsi six codes de lois.
[4] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2015-1628 du 10 décembre 2015, JORF n°0287 du 11 décembre 2015 page 22851.
[5] Articles L. 423-1 et suivants et articles R. 423-1 et suivants du Code de la consommation ; Décret n°2014-1081 du 24 septembre 2014 et circulaire du 26 septembre 2014 de présentation des dispositions de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et du décret n° 2014-1081 du 24 septembre 2014 relatif à l’action de groupe en matière de consommation.
[6] http://www.class-action-volkswagen.eu/
[7] Le projet de loi a fait l’objet d’un recours devant le Conseil Constitutionnel qui a déclaré contraires à la Constitution certaines dispositions de la loi (ne concernant pas l’action de groupe) dans sa décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016.
[8] CA Paris, 5 juin 2014, n°12/19175, UFC Que Choisir c/ Hewlett Packard.
[9] La CJUE a en effet précisé, dans une décision du 19 septembre 2014 (aff. C-435/11), que dès lors qu’il est démontré qu’une pratique commerciale est (i) trompeuse ou de nature à induire en erreur et (ii) susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, alors la pratique litigieuse doit être considérée comme trompeuse sans avoir à vérifier si elle est également contraire à la diligence professionnelle.
[10] Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n°10-10.800, UFC Que Choisir c. Darty.
[11] Rappelons en effet que l’appréciation du caractère trompeur d’une pratique commerciale relève d’une appréciation au cas par cas.
[12] Cass. civ. 1, 5 février 2014, n°12-25.748, M. X… c/ Lenovo France.
[13] Cass. com., 29 novembre 2011, n°10-27.402, Concurrence c/ Kelkoo.
[14] CA Paris, 21 mai 2014, n°12/01417, Nestlé Purina Petcare France c/ Mars PF France.
[15] CA Lyon, 24 juillet 2014, n°11/08322, Concurrence c/ Kelkoo.