L’épidémie de COVID-19 a contraint les États membres de l’Union Européenne à prendre des mesures de confinement affectant considérablement les échanges commerciaux, entraînant, de fait, une perturbation de l’économie dans son ensemble. Dans ce contexte, et face au risque grave de récession, les budgets nationaux ont été mobilisés afin de répondre aux besoins urgents de liquidités des entreprises.
Dans le cadre de leur politique économique, les États membres peuvent décider de soutenir des entreprises ou des secteurs locaux à l’aide de fonds publics. Toutefois, dans la mesure où elles sont susceptibles de conférer des avantages aux entreprises qui en bénéficient au détriment de leurs concurrents, de telles aides sont, par principe, incompatibles avec l’objectif d’un marché intérieur européen.
À ce titre, le droit de l’Union européenne encadre rigoureusement ces aides. Les articles 106 à 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (le « TFUE ») fixent le régime des aides d’Etat. Par principe, les aides qui faussent le jeu de la concurrence et affectent les échanges entre Etats membres sont prohibées. Néanmoins, les articles 107 § 2 et 3 du TFUE prévoient les dérogations suivantes :
- Les aides compatibles de plein droit – article 107 § 2 TFUE : Sont concernées, les aides sociales octroyées aux consommateurs individuels ; les aides octroyées par les États membres, afin de remédier aux dommages provoqués par des calamités naturelles ou d’autres événements extraordinaires et les aides justifiées par la division de l’Allemagne. Si la Commission européenne ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation concernant ces aides, les États doivent toutefois lui notifier les dispositifs envisagés.
- Les aides compatibles en raison de l’objectif qu’elles poursuivent – article 107 § 3 TFUE : Dans cette seconde hypothèse, l’article 107 § 3 énumère plusieurs catégories d’aides qui, en raison des objectifs poursuivis, peuvent être considérées comme compatibles par la Commission. Dans chacun des cas visés par cet article, les États membres doivent informer préalablement la Commission de leur intention d’octroyer des aides financières. Lorsque la concurrence a été faussée, ou présente un risque de l’être, la Commission ordonne l’annulation de l’aide et, le cas échéant, la restitution des sommes versées.
Dans un contexte de crise sanitaire majeure aux conséquences délétères sur l’économie des Etats membres, c’est la souplesse de ce cadre règlementaire qui est mise à l’épreuve. En effet, il doit permettre de répondre de manière rapide et efficace à des situations exceptionnelles. À cet égard, l’article 107 § 3 b) TFUE prévoit notamment que l’aide peut être déclarée compatible avec le marché intérieur lorsqu’elle est destinée à « remédier à une perturbation grave de l’économie d’un Etat membre ». C’est donc sur la base de cet article que la Commission entend procéder à l’examen des aides d’Etat temporaires liées à la crise du COVID-19.
Aussi, face à l’ampleur de cette crise et au choc majeur pour l’économie mondiale qu’elle constitue, la Commission, dans une communication du 13 mars 2020, a exprimé sa volonté d’agir rapidement, en coordination avec les Etats membres, pour apporter aux entreprises un soutien adapté.
Faisant suite à cette première communication, la Commission a publié, le 20 mars 202, une communication relative à l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’Etat visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 (« la Communication »), dans laquelle sont décrites les possibilités ouvertes aux États membres pour garantir la liquidité et l’accès au financement des entreprises.
Dans ce cadre, la Commission définit cinq catégories de mesures d’aides temporaires et les conditions dans lesquelles celles-ci sont compatibles avec le marché intérieur :
- Aides sous forme de subventions directes, d’avantages fiscaux sélectifs et d’avances remboursables : Les États membres ont la possibilité de mettre en place des régimes accordant jusqu’à 800 000 euros à une entreprise pour lui permettre de faire face à ses besoins de liquidités urgents ;
- Aides sous forme de garanties sur les prêts contractés par des entreprises auprès des banques : Les États membres peuvent fournir des garanties publiques afin d’inciter les banques à continuer d’accorder des prêts aux clients professionnels qui en ont besoin ;
- Aides sous forme de taux d’intérêts bonifiés pour les prêts octroyés aux entreprises : Les États membres peuvent accorder des prêts à des taux d’intérêt réduits aux entreprises ;
- Aides sous forme de garanties et de prêts acheminées par des établissements de crédit ou d’autres établissements financiers : Ces aides fournies aux entreprises, par l’intermédiaire d’établissements de crédits, consistent à s’appuyer sur les capacités de prêt existantes des banques et d’en faire bénéficier les petites et moyennes entreprises :
- Aides sous forme d’assurance-crédit à l’exportation à court terme : L’encadrement prévoit davantage de souplesse quant à la manière de démontrer que les risques ne sont pas cessibles dans certains pays, ce qui permet aux États membres de fournir une assurance-crédit à l’exportation lorsque cela est nécessaire.
Le 6 avril dernier, la Commission est venue compléter ce dispositif par cinq types d’aides supplémentaires (aides aux activités de R&D liées au COVID-19 ; aides destinées à la construction et la modernisation des installations et infrastructures permettant de tester des produits liés au virus, jusqu’au premier déploiement industriel ; aides à la fabrication de produits utiles à la lutte contre l’épidémie ; aides destinées à protéger l’emploi ; aides de soutien à l’emploi). Celles-ci sont susceptibles de prendre notamment la forme de subventions directes, d’avantages fiscaux ou encore de reports de paiement d’impôts et taxes.
En outre, les mesures envisagées par les Etats membres devront remplir trois conditions générales d’application :
- L’aide devra bénéficier uniquement aux entreprises. Il convient sur ce point de relever que la Communication fait notamment, à de multiples reprises référence aux PME, qui sont les bénéficiaires privilégiées de cet encadrement ;
- Les entreprises bénéficiaires devront avoir subi les conséquences de la crise du Covid-19 ;
- Le dispositif d’aide octroyé sera nécessairement temporaire.
La France a été parmi les premiers Etats membres à notifier et obtenir l’autorisation de la Commission pour la mise en œuvre de régimes d’aides spécifiques à la crise du COVID-19.
Ainsi, à ce jour, la Commission a validé une dizaine de dispositifs d’aides soumises à son examen par la France. Parmi ces dispositifs figurent notamment :
- Deux régimes permettant à la banque publique d’investissement française Bpifrance de fournir des garanties d’État sur les prêts commerciaux et des lignes de crédit, et ce pour les entreprises comptant jusqu’à 5 000 salariés, et un régime destiné à fournir des garanties d’État aux banques sur les portefeuilles de nouveaux prêts pour tous les types d’entreprises ;
- La création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de COVID-19 consistant en l’octroi de subventions directes afin de permettre aux bénéficiaires de couvrir leurs coûts de fonctionnement dans le contexte difficile causé par la pandémie ;
- Un régime de garantie français d’un montant de 10 milliards d’euros destiné à soutenir le marché intérieur de l’assurance-crédit dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ;
- Une mesure d’aide française de 7 milliards d’euros consistant en une garantie d’État pour des prêts et en un prêt d’actionnaire en faveur d’Air France, afin de fournir à l’entreprise un soutien de trésorerie urgent dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ;
- Un régime-cadre français d’un montant de 5 milliards d’euros destiné à soutenir les infrastructures de recherche et développement, d’essai et de mise à niveau, ainsi que la fabrication de produits utiles à la lutte contre le coronavirus.
En application de la Communication, les Etats membres pourront notifier de nouvelles aides à la Commission jusqu’au 31 décembre 2020, lesquelles sont consultables sur le site dédié de la Commission.