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Le 12 octobre 2021, l’Autorité de la concurrence a rendu une décision sanctionnant la société ESPACE FOOT, propriétaire et gestionnaire de la franchise ESPACE FOOT spécialisée dans l’univers du football, pour avoir mis en œuvre une entente généralisée avec ses franchisés visant à fixer le prix de vente aux consommateurs des produits commercialisés au sein des magasins de l’enseigne, entre juillet 2002 et le 18 septembre 2018.

Sur le fondement de l’article L.463-3 du Code de commerce, le rapporteur général a décidé que l’affaire serait examinée par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport. Ce recours à la procédure dite « simplifiée » peut notamment être utilisé lorsque l’affaire examinée paraît être relativement simple ou d’une importance mineure.

Les pratiques constatées, aux termes d’un rapport transmis par le ministère de l’économie, ont consisté dans (i) l’uniformisation des prix de vente dans les boutiques des franchisés résultant de clauses contractuelles insérées dans les contrats de franchise instaurant le respect, par les franchisés, de la politique tarifaire du franchiseur ainsi que de réunions annuelles au cours desquelles le franchiseur proposait la politique tarifaire applicable à l’ensemble des franchisés ; (ii) le déploiement au sein du réseau d’outils de diffusion de la politique tarifaire du franchiseur (logiciel de caisse ne permettant pas la modification des prix de vente dans les magasins, factures, sites internet et showrooms des fournisseurs) ; (iii) l’instauration d’un « système de rétorsion » à l’encontre des franchisés ne respectant pas les prix de ventes fixés ; (iv) le respect par les franchisés de la stratégie tarifaire imposée par le franchiseur.

Dans ses contrats de franchise, ESPACE FOOT avait donc introduit des clauses contractuelles instaurant le respect, par les franchisés, de la politique tarifaire qu’il définissait. Ainsi, l’article 17 du contrat-type en vigueur de juillet 2002 au 18 septembre 2018 stipulait-il « dans l’esprit de protection de l’image de marque, le Franchiseur communiquera les prix de vente courants, et le Franchisé appliquera les prix communiqués. Le Franchisé respectera les lois et arrêtés réglementant les prix » (point 31). Cet article 17 a été légèrement modifié, au cours de cette même période, pour y ajouter les deux phrases suivantes : « la remise en caisse (en dehors du système de fidélisation de l’enseigne) est formellement interdite. Toute entrave à cette règle pourra entraîner la rupture du contrat de Franchise », renforçant ainsi l’effectivité de la pratique (point 34).

Celle-ci a pris fin le 19 septembre 2018, date à laquelle l’ensemble des franchisés ont signé le nouveau contrat, applicable à compter du jour de sa signature. Ce nouveau contrat stipule désormais à son nouvel article 6 que « le Franchisé est un commerçant indépendant. À ce titre, il détermine librement ses prix de vente et dispose de la maîtrise de ses marges comme de la gestion de ses charges » (point 40).

En outre, et pour garantir le respect de sa politique tarifaire, le franchiseur a mis en place un « système de rétorsion » à l’encontre des franchisés ne respectant pas les prix de ventes fixés. Ainsi, le franchiseur a-t-il sanctionné l’un de ses franchisés d’une « amende » de 500 euros pour « non-respect des périodes de promotions fixées annuellement » et a fait référence à cette sanction dans un courriel adressé le 29 novembre 2015 à l’ensemble des franchisés, tout en les menaçant du risque de sanction pécuniaire encourue en cas de non-respect de la politique tarifaire du réseau.

De fait, entre juillet 2002 et le 18 septembre 2018, les franchisés ont accepté l’invitation du franchiseur d’appliquer les prix conseillés par les fabricants d’équipements de loisirs footballistiques, et plus particulièrement ceux des sociétés Nike, Adidas et Puma (qui représentent plus de 90% du chiffre d’affaires réalisé par les magasins du réseau). Une telle pratique mise en place par le franchiseur ESPACE FOOT constitue une infraction par objet au sens des dispositions de l’article L.420-1 du Code de commerce. Selon l’Autorité, les pratiques à l’origine de l’infraction sanctionnée présentent un caractère de gravité certain (point 106). En outre, les pratiques en cause ont couvert l’ensemble du territoire national pendant plus de 16 ans (et non 18, comme indiqué dans la décision de l’Autorité au point 107), cette période correspondant à celle de l’application du contrat régissant les relations entre la société ESPACE FOOT et ses franchisés.

Toutefois, l’Autorité relève que le poids du réseau ESPACE FOOT dans le secteur des équipements footballistiques reste modeste, compte tenu de son chiffre d’affaires (20 millions d’euros en France en 2014 et 21 millions d’euros en 2019) et du nombre non négligeable de concurrents. En outre, l’Autorité relève que les produits fabriqués par Nike, Adidas et Puma qui sont vendus dans les boutiques de la franchise ESPACE FOOT représentent, pour chacun de ses trois fournisseurs, moins de 6% de leurs ventes en France. Enfin, l’Autorité relève que compte tenu de la taille relativement modeste du réseau ESPACE FOOT en termes de chiffre d’affaires et de présence sur le marché, il apparaît que cette pratique n’a été de nature à affecter qu’un nombre très limité de consommateurs potentiels. Partant, si les pratiques à l’origine de l’infraction sanctionnée ont pu engendrer un dommage certain à l’économie (et pour cause, « en imposant des prix de revente à ses franchisés – qui ont effectivement appliqué les prix des fabricants – le franchiseur ESPACE FOOT a affaibli la concurrence entre eux alors que l’essor du commerce en ligne pouvait accroître cette concurrence, ce qui a pu priver les consommateurs de prix moins élevés » (point 108)), l’importance de celui-ci apparaît limitée. Au vu de l’ensemble de ces éléments, et dans le respect des termes de la transaction, le montant de la sanction infligée à la société Espace Foot est fixé à 25.000 euros.

Cette nouvelle décision de l’Autorité s’inscrit dans la droite ligne de la décision rendue à l’encontre de la société DAMMANN FRERES (ADLC, décision n°20-D-20 du 3 décembre 2020), qui concernait, entre autres, l’imposition des prix de vente de ses thés vendus en ligne, à ses distributeurs. Pour rappel, dans cette décision, la société DAMMANN FRERES avait diffusé à ses distributeurs des prix dits « conseillés » en les incitant à les respecter et, pour les distributeurs « réfractaires », en les sanctionnant ou en rompant unilatéralement les relations commerciales.

Relevons que dans le cadre du futur règlement européen sur les restrictions verticales de concurrence (lien), la Commission Européenne continue de stigmatiser les effets toxiques liés à l’imposition d’un prix minimal de revente, sans tenir compte des effets positifs mis en avant par l’analyse économique et les décisions rendues par les autorités nord-américaines et australiennes de concurrence. À noter également que cette décision n° 21-D-24 est la première visant expressément le nouveau communiqué de l’Autorité relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires du 30 juillet 2021, qui vient remplacer le précédent communiqué du 16 mai 2011 (voir point 103).

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