Dans un document rédigé en concertation avec la DGCCRF et présenté sous forme de questions-réponses, le MEDEF a livré ce 31 mai 2022, un certain nombre d’éclairages portant sur plusieurs des interrogations qui ont émergé depuis l’ordonnance du 22 décembre 2021, concernant les nouvelles dispositions sur le prix antérieur. Si les réponses apportées ne lient pas l’administration, elles permettent néanmoins de dégager certains points d’attention quant à l’application qui doit être faite du nouvel article L. 112-1-1 du code de la consommation.
Les premiers paragraphes de la FAQ visent à présenter le champ d’application de ces nouvelles dispositions.
S’agissant en particulier de savoir si les services sont concernés par l’article L.112-1-1 du code de la consommation, il est intéressant de souligner que la FAQ indique que les dispositions de l’article L.112‑1-1 s’appliquent autant aux biens qu’aux services, et ce qu’ils soient numériques ou non.
Cette approche s’avère sensiblement différente de celle opérée au niveau européen puisque, comme le soulignait la Commission européenne dans ses Orientations du 29 décembre 2021, la directive 98/06/CE relative à l’indication des prix exclut les services de son champ d’application.
Face à cette contradiction, un risque de non-conformité au droit de l’Union est pointé dans la FAQ.
Dont acte, il semble que les annonces relatives aux services devront bien se conformer aux nouvelles modalités de calcul du prix de référence, et ce au moins dans l’attente d’un contentieux éventuel relatif à la compatibilité de cette extension avec la directive.
Outre la confirmation du fait que les offres conditionnelles combinées ou liées (ex : « un article acheté, le deuxième offert ») ne sont pas concernées par l’article L.112-1-1, la FAQ tente de trancher des questions laissées ouvertes, palliant l’imprécision des Orientations de la Commission.
Une des principales incertitudes nées de ces orientations concernait le régime applicable aux programmes de fidélité, tant les explications données sur ce point par la Commission laissaient planer le doute. La FAQ ramène sur ce point une sérénité bienvenue, rappelant que le nouvel article ne s’applique pas aux opérations promotionnelles réservées à certains consommateurs, et incluant expressément dans cette catégorie les offres réservées à des consommateurs ayant eu à effectuer des démarches particulières, comme l’adhésion à un programme fidélité. Le fait que les consommateurs bénéficiaires aient dû donner leur accord pour bénéficier de prix réduits, devenant porteurs d’une carte de fidélité, suffit ainsi à considérer que l’offre n’est pas concernée par les nouvelles dispositions. Le maintien d’une vigilance mesurée mais bienvenue pourrait par exemple consister à s’assurer que l’adhésion aux programmes de fidélité proposés est bien formalisée.
Les rédacteurs de la FAQ rappellent en revanche que la mise à disposition de bons de réductions ou de codes promotionnels à l’intention de tous les consommateurs qui visitent le magasin physique ou le site de vente en ligne au cours de périodes spécifiques, constitue bien une annonce de réduction de prix devant respecter l’article L. 112-1-1.
Sur la question des prix de lancement, la FAQ apporte une réponse étonnante, qui semble aller à l’encontre des orientations de la Commission européenne.
En effet, elle précise que « dans la mesure où le professionnel ne peut avoir pratiqué de prix antérieur, les offres de lancement ne sont pas des annonces de réduction de prix ». Ce constat de bon sens entre pourtant en contradiction avec l’approche de la Commission, les orientations précisant que constituerait une réduction de prix le fait de présenter le prix actuel comme un prix de « départ » et d’indiquer un prix plus élevé comme le prix à venir.
Cette approche ne saurait que rendre d’autant plus attrayant le recours à l’instrument des prix de lancement, qui constitue une alternative intéressante aux annonces de réduction de prix classiques compte tenu des nouvelles dispositions[1].
Si la FAQ proposée par le MEDEF en concertation avec la DGCCRF apporte de nombreuses précisions utiles, certaines questions pourtant au cœur des préoccupations des professionnels demeurent, au premier rang desquelles celles relatives aux nouveaux arrivages.
Ce sujet était d’ores-et-déjà abordé dans les orientations de la Commission, qui traitaient notamment de la marge de manœuvre laissée sur ce point aux États membres dans le cadre de l’article 6 bis de la directive 98/6/CE[2]. La Commission précisait à ce propos que les États membres qui choisiraient de mettre en place une telle dérogation devraient fixer une période spécifique pour déterminer le prix « antérieur », ou bien permettre aux professionnels de déterminer eux-mêmes cette période.
L’article L.112-1-1 ne faisant aucune mention des nouveaux arrivages de biens, il semblait acquis qu’aucun régime dérogatoire ne serait accordé dans ce domaine, ce que semble confirmer le silence de la FAQ sur ce point.
Sur la question des biens qui ont déjà été commercialisés par le professionnel, mais durant une période antérieure aux 30 derniers jours, la FAQ propose une solution qui reste relativement floue.
Rappelons, concernant ces biens, que les orientations précisaient qu’il ne s’agissait pas de nouveaux arrivages, excluant ainsi la mise en œuvre d’une potentielle dérogation, mais prévoyaient que les professionnels pourraient alors prévoir une période de référence plus longue afin de disposer d’au moins 30 jours de commercialisation auxquels se référer (permettant par exemple de renvoyer aux prix pratiqués la saison précédente ou avant la rupture de stock).
Dans la FAQ, en réponse à la question relative aux prix auxquels il doit être fait référence lorsque le bien a été commercialisé il y a plus de 30 jours, il est spécifié que « la seule exception au principe de l’indication du prix antérieur concerne les produits menacés d’une altération rapide » et que « dans le cas de ruptures de stock ou de produits saisonniers, les annonces de réduction de prix suivent le régime général : elles doivent indiquer le prix antérieur tel qu’il est défini par l’article L. 112-1-1 du code de la consommation ».
Or, cette réponse semble exclure le recours à un prix pratiqué il y a plus de 30 jours, contrairement à ce que prévoyait la Commission. Ceci s’avère toutefois relativement flou, d’autant plus qu’il est indiqué dans l’alinéa suivant qu’« en l’absence de prix antérieur, ces pratiques commerciales seraient examinées au regard des dispositions relatives aux pratiques commerciales déloyales » ce qui pourrait, sans certitude aucune, laisser entendre que la référence à un prix pratiqué antérieurement aux 30 derniers jours dans le cadre d’une annonce de prix avantageux ne tomberait pas dans le champ d’application de l’article L.112-1-1, et ferait uniquement l’objet d’un contrôle sous l’angle des pratiques commerciales déloyales ; ce qui nous apparait contestable.
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Les premiers éclaircissements qu’apportera la pratique seront attendus impatiemment tant ce texte revêt une portée encore incertaine.
Outre les principaux sujets évoqués supra, la FAQ reprend largement les éléments d’interprétation donnés par les orientations de la Commission européenne de décembre 2021, en leur donnant une tournure souvent plus pratique et synthétique. Son propos introductif apporte également la confirmation que jusqu’au Black Friday 2022 (exclu), la DGCCRF privilégiera une approche pédagogique dans l’application du nouveau texte.
[1] Jean-Christophe Grall, Annonces de réduction de prix : le renouveau du « prix de référence » à partir du 28 mai 2022 !, Mai 2022.
[2] Pour mémoire, l’article 6 bis prévoyait que « Lorsque le produit est commercialisé depuis moins de trente jours, les États membres peuvent également prévoir une période plus courte […] ».