L’évaluation du fonctionnement du règlement n°330/2010 (Règlement), initiée le 3 octobre 2018, a pour but de permettre à la Commission de déterminer s’il est nécessaire de modifier le règlement.
Cette évaluation s’inscrit dans un contexte de croissance du commerce électronique qui a vu apparaître de nouveaux acteurs sur le marché, telles les plateformes de vente en ligne mais également de nouvelles pratiques commerciales pouvant poser des préoccupations de concurrence. Il en résulte que certaines dispositions du règlement et des lignes directrices peuvent ne plus être en adéquation avec la réalité du marché et des pratiques commerciales actuelles ou peuvent donner lieu à certaines incohérences.
Afin de se saisir de ces problématiques, la Commission a lancé le 23 octobre 2020 une analyse d’impact initiale afin d’évaluer les différentes options qui s’offrent à elle dans le cadre d’une potentielle révision du règlement.
Premièrement, la Commission envisage une clarification et simplification des règles en vigueur mais également une intégration de la jurisprudence récente relative à des restrictions qui sont devenues de plus en plus courantes depuis l’adoption du règlement actuel (par exemple : les restrictions de publicité en ligne ou encore l’interdiction d’utiliser les plateformes en ligne).
On comprend qu’il est fait référence à l’affaire Guess, du 17 décembre 2018, dans laquelle la Commission a sanctionné l’entreprise éponyme pour avoir, entre autres, interdit à ses distributeurs agréés d’utiliser les marques Guess à des fins de publicité liées aux recherches en ligne.
De plus, il est également fait référence à la retentissante affaire Coty, du 6 décembre 2017, dans laquelle la CJUE saisie sur question préjudicielle, a estimé que la clause par laquelle un fournisseur de produits de luxe interdit à ses distributeurs agréés de vendre ses produits sur des plateformes en ligne ne constituait pas une restriction de concurrence.
Deuxièmement, la Commission souhaite clarifier les possibles gains d’efficience résultant des prix de revente imposés, lesquels sont considérés comme des restrictions caractérisées de concurrence par le règlement. A cette fin, elle engagera des discussions avec des entreprises sur des cas concrets, notamment les conditions dans lesquelles de tels gains d’efficience pourraient être revendiqués.
Enfin, la Commission envisage de réviser les règles en vigueur concernant :
- (i) La double distribution : situation dans laquelle un fournisseur vend ses produits ou services directement aux clients finals, étant ainsi en concurrence avec ses distributeurs sur le marché aval. Avec la croissance des ventes en ligne, la double distribution a significativement augmenté au point qu’il existe un risque d’exemption d’accords verticaux pouvant contenir des préoccupations de concurrence au niveau horizontal non négligeables. Plusieurs options sont envisagées par la Commission (les options 2 et 3 peuvent être cumulatives) :
- Option 1 : Aucune modification des règles en vigueur ;
- Option 2 : Limiter la portée de l’exemption aux situations dans lesquelles il est peu probable qu’elles soulèvent des préoccupations de concurrence horizontales en introduisant par exemple un seuil basé sur les parts de marché des parties présentes sur le marché aval ;
- Option 3 : Etendre l’exemption à la double distribution pratiquée par les grossistes et/ou importateurs ;
- Option 4 : Supprimer l’exemption du Règlement, impliquant ainsi une analyse au cas par cas en vertu de l’exemption individuelle de l’article 101§3 du TFUE.
- (ii) Les restrictions de ventes actives : Si le Règlement n’autorise généralement pas les restrictions des ventes passives (à l’exception, par exemple, des ventes passives à des distributeurs non agréés au sein d’un système de distribution sélective), il admet les restrictions des ventes actives, notamment pour protéger les investissements des distributeurs exclusifs. Les fournisseurs ont manifesté le souhait d’établir des « exclusivités partagées » entre deux distributeurs ou plus à l’intérieur d’un territoire particulier et de combiner efficacement distribution exclusive et sélective sur un même territoire ou différents territoires. Plusieurs options sont proposées (les options 2 et 3 peuvent être cumulatives) :
- Option 1 : Aucune modification des règles en vigueur ;
- Option 2 : Elargir les exceptions aux restrictions de ventes actives afin de donner aux fournisseurs plus de flexibilité pour concevoir leurs réseaux de distribution ;
- Option 3 : assurer une protection plus efficace des réseaux de distribution sélective en autorisant des restrictions sur les ventes effectuées en dehors du territoire dans lequel le réseau de distribution sélective est implanté, auprès de distributeurs non agréés qui eux opère sur le territoire sur lequel le réseau de distribution sélective est implanté.
- (iii) Les mesures indirectes restreignant les ventes en ligne : Les vente en ligne sont considérées comme une forme de vente passive. Les restrictions empêchant le distributeur de vendre sur internet sont considérées comme des restrictions caractérisées de concurrence qui ne sont pas exemptées par le Règlement. Les règles en vigueur appliquent une approche similaire à certaines mesures qui ont pour effet de rendre la vente en ligne plus difficile, telles que la pratique du dual pricing qui consiste à vendre les produits destinés à être revendus en ligne plus chers que ceux destinés à être revendus en boutique physique. Les fournisseurs et distributeurs hybrides considèrent qu’en ne leur laissant pas la possibilité d’appliquer des prix de vente différenciés en fonction des coûts de chaque canal, les règles actuelles les empêchent d’encourager les investissements associés à un canal de distribution physique. Plusieurs options sont proposées (les options 2 et 3 peuvent être cumulatives)
- Option 1 : Aucune modification des règles en vigueur ;
- Option 2 : Ne plus considérer le dual pricing comme étant une restriction caractérisée de concurrence, avec toutefois la mise en place de garde-fou au regard de la jurisprudence actuelle ;
- Option 3 : Ne plus considérer l’imposition de critères pour les ventes en ligne qui ne sont pas équivalents aux critères imposés aux ventes physiques dans un système de distribution sélective comme étant une restriction caractérisée, avec toutefois la mise en place de garde-fou au regard de la jurisprudence actuelle.
- (iv) Les clauses de parité (dites clauses de la nation la plus favorisée) : cette clause impose à l’entreprise d’offrir à son cocontractant des conditions similaires ou meilleures que celles proposées sur tout autre canal de vente ou seulement sur les canaux de vente directe de l’entreprise. Ces clauses sont exemptées par le Règlement. Les autorités de concurrence et juridictions nationales ont pu identifier des effets anticoncurrentiels de certaines clauses. Plusieurs options sont étudiées :<
- Option 1 : Aucune modification des règles en vigueur ;
- Option 2 : Retirer l’exemption par catégorie du règlement et inclure dans la liste des restrictions exclues les clauses qui imposent une parité par rapport à un certain type de canal de vente, impliquant ainsi l’évaluation de l’effet de la clause en vertu de l’exemption individuelle de l’article 101§3 du TFUE. Par exemple, l’exemption serait exclue pour des clauses de parité qui concernent des canaux de vente et de marketing indirects, y compris les plateformes et autres intermédiaires Les clauses de parité relatives à d’autres canaux de vente continueraient en revanche de bénéficier de l’exemption du règlement. ;
- Option 3 : Supprimer le bénéfice de l’exemption pour toutes les clauses de parité en les ajoutant dans la liste de restrictions exclues, impliquant ainsi l’évaluation de l’effet de la clause en vertu de l’exemption individuelle de l’article 101§3 du TFUE.