Le 4 octobre dernier, la chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 1er octobre 2014 qui avait jugé certaines clauses insérées dans la convention de partenariat et au sein des conditions générales d’approvisionnement de l’enseigne Carrefour comme contraire aux dispositions de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce, lesquelles prévoient, pour rappel, qu’« engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers […] De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
? Clauses relatives aux retards de livraison des marchandises :
En vertu des clauses insérées par le distributeur au sein de ses documents contractuels, en cas de livraison anticipée ou de livraison effectuée une heure après l’heure prévue ou une demie heure pour certains produits, les sociétés du groupe Carrefour se réservaient, d’une part, le droit d’annuler la commande et de refuser la livraison, en laissant tous les frais à la charge du fournisseur et, d’autre part, le droit de demander réparation du préjudice, lequel se cumulait à l’imposition de pénalités financières.
Ainsi que l’avait relevé la Cour d’appel de Paris, ces stipulations contractuelles permettaient au distributeur d’annuler et de refuser la commande sans prise en compte des circonstances et sans avoir à justifier de l’impossibilité de réceptionner celle-ci.
En outre, était également prévu un principe de dédommagement du fournisseur en cas de retard dans la livraison dû au propre fait de Carrefour. Cependant, la fixation de pénalités était renvoyée, dans ce cas, à la négociation entre les parties. Ainsi alors que la sanction était automatique et chiffrée à l’encontre des fournisseurs, la pénalité encourue par le distributeur s’avérait éventuelle et non chiffrée.
La Cour de cassation a ainsi estimé que l’absence de réciprocité et la disproportion entre les obligations des parties entrainées par cet ensemble de clauses constituaient un déséquilibre significatif répréhensible.
? Clauses relatives aux délais de paiement des factures de services de coopération commerciale et des factures des marchandises :
Au terme de la convention de partenariat, les fournisseurs étaient tenus de payer les services de coopération commerciale à 30 jours sous forme d’acompte alors que le distributeur devait régler les factures de marchandises des fournisseurs à 45 jours pour les produits
non-alimentaires.
En raison de la création d’un solde commercial à la charge du fournisseur, la Cour de cassation a considéré que les clauses contestées emportaient automatiquement un déséquilibre significatif à l’avantage du distributeur.
? Clauses relatives aux dates de revente des produits frais, aux dates de limite de consommation et aux dates limites d’utilisation optimale :
Au « contrat date », passé entre distributeurs et fournisseurs, qui a pour objet de fixer le délai pour que les marchandises soient vendues dans des conditions optimales de fraîcheur, une stipulation des conditions générales d’approvisionnement de Carrefour ajoutait que les produits livrés ne devaient pas comporter une DLC ou une DLUO antérieure ou identique à celle figurant sur des produits précédemment livrés. En cas de non-respect de cette obligation, Carrefour s’octroyait la possibilité de refuser la livraison des produits.
L’arrêt de la chambre commerciale approuve les juges d’appel qui avaient estimé que si une DLC ou une DLUO identique apparaissait sur une ou plusieurs livraisons successives d’un même fournisseur, il n’en résultait aucune désorganisation des stocks du distributeur, qui restait en mesure de respecter ses obligations à l’égard des consommateurs en termes de sécurité, de qualité et de fraîcheur.
En conséquence, la Cour de cassation a confirmé les sanctions prononcées par la Cour d’appel à l’encontre des sociétés du groupe Carrefour, à savoir, le prononcé d’une amende civile de 500 000 euros ainsi que l’injonction de cesser pour l’avenir de mentionner dans ses contrats commerciaux les clauses prohibées en l’espèce.